Lire : du visible à l’invisible

 Par Olivier THIBAUD

Fantômes, esprits, vaudou :

un voyage dans l'invisible a été entrepris en avril dernier au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris.

Il a pris fin mi-juillet 2022 .

Durant cet espace, le monde des morts a été réveillé le temps d'un week-end pour dévoiler les facettes invisibles de la nature et explorer les rapports qu'entretiennent les sociétés extra-occidentales avec l'au-delà.

Revenants, fantômes, esprits, divinités... le public était invité à faire connaissance avec tous ces « non-humains » – communément appelés « morts » - qui peuplent les collections du Quai Branly - Jacques Chirac.


Philippe Charlier devant l'entrée de la salle de lecture Jacques Kerchache du Musée du Quai Branly – Jacques Chirac

Le  thème de l'invisible,  fédérateur de beaucoup de cultures et objets présentés dans les collections  permanentes a été dévoilé par Philippe Charlier, directeur du département de la Recherche du musée dédié aux arts premiers.  

Ce médecin légiste devenu anthropologue, spécialiste des fantômes, revenants et zombies, a tenté d’explorer le rapport entre « le monde du visible » et celui de l'au-delà, qu'il conviendra d’appeler celui des « non-morts ».

Contrairement aux civilisations occidentales, dans de nombreuses cultures d'Asie, d'Amazonie, d'Océanie ou d'Afrique sub-saharienne, « la frontière est très tenue » entre les deux univers :

en témoignent les sorciers, féticheurs et tous les « objets intercesseurs » que sont les masques, statuettes, robes, instruments ou même certaines drogues.

Alors, pour ceux qui s’interrogent sur le monde de l’invisible, nous avons lu pour vous…



Vaudou, version poche

Vaudou : l'homme, la nature et les dieux - Bénin

par Philippe Charlier

Editions PLON (paru le01/10/2020)

368 pages

Collection Terre humaine

Format 14cm x 22cm

Prix 23,90€

Né le 25 juin 1977 à Meaux, Philippe Charlier est à la fois un médecin légiste, anatomo-pathologiste, archéo-anthropologue et paléopathologiste.

En clair, nous dirions qu’il est à la fois médecin, archéologue et anthropologue.

A ces divers titres, quel regard peut-il apporter sur le vaudou, vaudou auquel il a été initié ?

Voilà depuis presque 15 ans que Philippe Charlier sillonne les pistes du Bénin :

il a acquis suffisamment de matière, de données, d’expériences pour proposer le récit d’une immersion et d’une analyse du vaudou sur ses deux berges atlantiques.

Au-delà de montrer et d’expliciter que le vaudou est une religion à part entière, avec ses codes, ses clergés, ses mythes et ses rituels domestiques et collectifs, il porte un regard nouveau, incisif, pragmatique et original sur cette croyance (et ses actions de sorcellerie associées) dans le territoire d’origine (Afrique sub-saharienne).

Que va-t-on découvrir dans  « Vaudou : l'homme, la nature et les dieux » ?

- les gestes sacrés du quotidien ;

- les cérémonies des revenants (Egungun) semeurs de mort symbolique ;

- la divination Fâ par les coquillages ;

- la consécration de fétiches (avec ce qu’apporte leur examen radiologique lorsque certains ont été transportés en Occident) ;

- les fouilles archéologiques dans les palais des rois d’Abomey (permettant de retourner aux origines historiques du vaudou) ;

- les récits de l’initiation de l’auteur et des élévations successives (récit « de l’intérieur ») ;

- les cérémonies nocturnes avec chevauchement des adeptes par les divinités (« possessions ») ;

- les pèlerinages syncrétiques chrétiens/vaudou (« Saut d’eau ») ;

- la cérémonie des morts où se croisent une extrême sensualité et une fascination morbide (« Guédés ») .

Par ailleurs, Philippe Charlier dirige depuis 2011 la prestigieuse collection Terre Humaine (éditions Plon) fondée en 1955 par Jean Malaurie et précédemment dirigée par l'académicien et, comme lui, médecin, Jean-Christophe Rufin (1) .

A noter, la parution de "Vaudou" en livre de poche avec une préface originale de Jean Malaurie le 27/10/2022

Editeur Pocket

Collection Terre humaine

Format

10cm x 17cm

Nombre de pages 448

Prix 9,50€




Sur la route des chefferies du Cameroun : du visible à l’invisible

Editeur Skira Paris

Collection Catalogues d'exposition

Format 20cm x 28cm

Date de parution 01/04/2022

Nombre de pages 224

Prix : 39€

Faisant suite à la saison du Cameroun, initiée au printemps 2022 au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac, l’ouvrage publié aux éditions Skira nous entraîne dans l’ère culturelle des Grassfields que l’on nomme également les « hautes terres de l’Ouest ».

Cet ouvrage, richement illustré, a été réalisé à l’occasion de l’exposition éponyme sous la direction  de l'architecte Sylvain Djache Nzefa, commissaire de l'exposition et de Cindy Olohou commissaire associée .

Il s’articule en trois parties :

- cosmogonie, nature et croyances ;

- art royal au service du pouvoir ;

- art et sociétés secrètes

Une lecture indispensable pour découvrir le monde fascinant de la civilisation bamilékée dont les origines remonteraient aux  pharaons noirs de Nubie…

En effet, si les pyramides et les pharaons font généralement penser à l'Égypte, il faut savoir que des pharaons ont également régné sur le Soudan voisin.

Ainsi l'épopée de la 25ème dynastie pharaonique qui a dominé, entre 720 av. J.-C. et 655 av. J.-C., un vaste territoire allant du delta du Nil au confluent du Nil blanc et du Nil bleu, au niveau de l'actuelle capitale soudanaise, Khartoum ...



Tristes tropiques

par Claude Lévi-Strauss

Editions Plon

Collection : Terre humaine

Date de parution : 30/10/2014

L'impact de Tristes Tropiques sur la pensée du vingtième siècle est immense !

L’ouvrage a été traduit en 27 langues .

Pourquoi et comment devient-on ethnologue ?

Comment les aventures de l'explorateur et les recherches du savant s'intègrent-elles et forment-elles l'expérience propre à l'ethnologue ? 

C'est à ces questions que l'auteur, philosophe et moraliste autant qu'ethnographe, s'est efforcé de répondre en confrontant ses souvenirs parfois anciens, et se rapportant aussi bien à l'Asie qu'à l'Amérique.

Claude Lévi-Strauss souhaite ainsi renouer avec la tradition du voyage philosophique illustrée par la littérature depuis le XVIème siècle jusqu'au milieu du XIXème siècle, c'est à dire avant qu'une austérité scientifique mal comprise d'une part, le goût impudique du sensationnel de l'autre n'aient fait oublier qu'on court le monde, d'abord, à la recherche de soi.


Les yeux de ma chèvre

par Éric de Rosny

Editions Plon

Collection : Terre humaine

Date de parution : 24/06/1996

Sur les pas des Maîtres de la nuit en pays Douala (Cameroun), un Jésuite pionnier explore méthodiquement et oecuméniquement la pensée africaine.

« Din, le maître que je me suis particulièrement choisi et qui m'a ouvert les yeux, est un guérisseur d'un quartier populaire de Douala.

Il ne savait ni lire ni écrire et ne parlait pas français.

Tout mon livre témoigne, au nom d'une ascèse commune, de la puissance d'introspection et de connaissance de ces nganga africains qu'on appelle improprement des sorciers alors que, étant des guérisseurs, ils en sont les ennemis jurés. »

Ainsi s'exprime Eric de Rosny, Jésuite français qui a vécu cinq ans dans ce quartier de Douala.

Les « Maîtres de la nuit » l'ont adopté.

Au terme de son initiation, une chèvre lui est présentée.

Elle doit mourir de sa propre main, se substituant à lui pour prendre sur elle les malheurs et les sorts.

Elle donne au prêtre ses deux yeux afin qu'il voie l'invisible.

Ce document rare raconte avec précision l'itinéraire de l'auteur qui se trouve, au Cameroun, confronté à des problèmes très actuels que les nganga s'efforcent de résoudre :

tension et haines familiales, chômage, maladies, folie et mort. Son expérience personnelle a été poussée à la limite du permis et du possible.



La Nuit, les yeux ouverts

par Eric de Rosny

Editions Seuil - Biographies

Date de parution 03/05/1996

288 pages

C’est la suite des « Yeux de ma chèvre », le livre où Éric de Rosny, Jésuite français établi depuis longtemps au Cameroun, décrivait son entrée, grâce à une initiation, dans le monde des nganga, c'est-à-dire des « tradipraticiens », ou médecins de tradition africaine, qui tentent de guérir les maladies du corps autant que celles de l’âme et de tout l’être.

Éric de Rosny raconte ici non seulement comment il est consulté désormais par les malades et leurs familles, mais comment il est devenu « initiateur », plus précisément comment lui, Européen, a été appelé à transmettre à son tour ce savoir secret de la guérison à des Africains :

une « connaissance » spécifique qui consiste à donner libre cours à la « vision », aux images intérieures que provoquent les paroles et les comportements des patients.

Cela ne va pas sans risques…

Paradoxalement, il devient clair, au fil du texte, qu’on peut rester prêtre, jésuite, chercheur, nganga et ordonnateur de nganga, tout en restant, par-dessus la marché, un honnête homme :

il suffit d’être Éric de Rosny !

C’est là, en effet, le point fort de l’auteur :

il ne cesse jamais d’être crédible, de garder son sens de l’humour, de réfléchir et d’agir « juste », même lorsqu’il est confronté aux pires contradictions.




La verticale du cri

par Gaston-Paul Effa

Récit initiatique

Collection Continents Noirs, Gallimard

176 pages, 140 x 205 mm

Publication : 03/10/2019

«À partir d’aujourd’hui, tu ne seras plus capable de détruire la nature sans te détruire toi-même.

Le moindre insecte que tu écraseras sous tes pieds te rappellera que tu es peut-être en train d’écraser un ami, un père, une mère, une épouse, un enfant tôt parti et que tu étais encore en train de pleurer…

Tu apprendras à écouter, à regarder.

Et à force d’écouter et de regarder, tu finiras par voir et entendre.

Tu auras changé ta vie.

Tu auras gagné ta vie.

Le reste importe peu.»

Ce récit est né d’une rencontre extraordinaire entre un écrivain et une féticheuse pygmée. 



Ecrivain et philosophe, Gaston-Paul Effa a été initié durant dix ans

Le récit d’une initiation qui a duré dix ans.

Dans l’âme des ténèbres, au cœur de la forêt tropicale, va naître un dialogue où le corps et l’esprit quittent leurs domaines séparés pour se fondre ensemble.

De rencontre en rencontre se fraye le chemin de l’initiation qui ouvre à chaque pas des relations d’abord invisibles entre les choses, les pensées et les instants de vie.

Une invitation à écouter la nature, à s’unir au cosmos, à suspendre la raison pour réapprendre à vivre.



(1) Terre humaine : la collection référence en ethnologie

Terre humaine est une collection des éditions Plon, créée en février 1954 par Jean Malaurie.

Terre humaine a publié à ce jour une centaine de titres, dont une vingtaine au moins sont considérés comme de grands classiques de l'anthropologie et de l'ethnologie.

La collection proposée par Jean Malaurie s'ouvre en 1955 avec son ouvrage « Les derniers rois de Thulé », consacré aux Inuits.

Ensuite, le rythme de publication sera, en moyenne, de deux titres par an.

Jean Malaurie a voulu donner la parole aux minorités, aux « populations de culture orale, dont la parole est confisquée », faire une place au récit à la première personne, accueillir des textes « sans souci de classe, de discipline et de clocher ».

« J'ai voulu casser la barrière entre ceux qui savent et les autres, rendre le bonheur de comprendre accessible à tous. Et rétablir cette part de sensibilité première, cette vérité du "je" et de l'intime si méprisée de nos savants au nom de l'objectivité scientifique. »

« Je ne veux pas que l'Histoire soit une addition de ghettos, mais de rencontres. »

Et, dans cet esprit, il a ouvert sa collection à des ouvrages d'explorateurs et d'ethnologues, à des témoignages des milieux paysans et ouvriers, à des œuvres de la tradition orale, à des textes peu connus de grands auteurs comme Zola, Ramuz ou Segalen, à des livres de combat ou d'indignation .

Certains titres ont connu des tirages de plus d'un million d'exemplaires :

« Tristes Tropiques », « Les Derniers Rois de Thulé » et « Le Cheval d'orgueil ».

Ainsi  deux ouvrages publiés dans les années 50 !

Jean Malaurie, « Les Derniers Rois de Thulé. Avec les Esquimaux polaires face à leur destin », 1955 et 1989 .

Claude Lévi-Strauss, « Tristes Tropiques » ( 1955) .

Et en 1970, Pierre Jakez Hélias, « Le Cheval d'orgueil. Mémoires d’un breton du pays bigouden » (1975 et 1985) .

Lire également par  1980 Eric de Rosny, « Les Yeux de ma chèvre. Sur les pas des maîtres de la nuit en pays Douala (Cameroun) » (1981 et 1984) .

Depuis 2021 la collection "Terre humaine" est dirigée par Philippe Charlier .


Le 8 septembre dernier à l'UNESCO, Karine Dellière dévoilait son court-métrage dédié au Vaudou

Lire les articles :

« Sô-Ava Voodoo Lake » : à la découverte du Vaudou


https://www.xn--francophonieactualits-u5b.com/2022/09/so-ava-voodoo-lake-la-decouverte-du.html

L'UNESCO et le Bénin dédiabolisent le Vaudou avec le documentaire Sô-Ava Voodoo-Lake



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