La manufacture Oberkampf au XVIII ème siècle
(par Olivier THIBAUD)
JOUY-EN-JOSAS – Installé dans l'élégant château de l'Églantine, le Musée de la Toile de Jouy ne se contente pas de présenter des étoffes :
il raconte l'histoire d'une véritable épopée industrielle et sociale, celle de Christophe-Philippe Oberkampf, homme entreprenant dont l'œuvre a marqué durablement la France post-révolutionnaire.
Ce lieu, créé en 1977 et abrité par le château depuis 1991, est la mémoire vivante de la manufacture qui fit la gloire de Jouy-en-Josas, choisie au XVIIIe siècle pour la qualité de l'eau de la Bièvre et sa proximité stratégique avec Versailles.
La Toile de Jouy : l'imprimé qui démocratisa le luxe
La Toile de Jouy est d'abord une révolution textile.
Abordable, durable et résistante, elle a permis aux femmes de toutes conditions, y compris modestes, d'accéder à de jolis tissus à motifs.
Elle imitait les coûteuses cotonnades importées d'Asie, rendant ainsi le goût pour l'ornement et la couleur accessible au plus grand nombre.
Le musée témoigne de la propagation fulgurante de cet engouement à travers la France.
Les collections révèlent le processus de fabrication de 1760 à 1843, exposant matériel d’impression, dessins anciens, planches de bois, rouleaux de cuivre et produits de teinture.
Une évocation particulièrement poétique réside dans les parterres fleuris devant l'entrée du château, qui simulent les toiles étendues au soleil dans les champs bordant jadis la manufacture.
L'Iconographie : entre flore et récits
L'extraordinaire collection du musée se divise en deux grandes catégories d'imprimés : les toiles florales et les toiles narratives.
Le groupe des toiles florales est le plus conséquent, avec près de 30 000 motifs.
Imprimées souvent au bloc, elles permettaient une riche variété chromatique, s'adaptant aussi bien à l'ameublement qu'aux vêtements.
Si les premières toiles copiaient les chintz indiens, l'iconographie occidentale a rapidement pris le dessus, privilégiant les glands, les feuilles de chêne, le houx et les imprimés animaliers.
Les toiles narratives, imprimées sur plaque puis sur rouleau, sont un véritable miroir de leur époque.
Elles couvraient une grande variété de sujets :
littéraires, politiques, commémoratifs.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, les pastorales et scènes galantes, les fêtes villageoises, les scènes de chasse et les divertissements dans les jardins constituaient le sujet dominant des compositions à personnages.
Un Musée au cœur du génie entrepreneurial
Christophe-Philippe Oberkampf
Le musée est avant tout un hommage au génie de son fondateur. Christophe-Philippe Oberkampf, héritier d’une lignée de teinturiers et formé à la gravure en Suisse, s'installe à Jouy-en-Josas en 1759 avec une ambition sans borne.
Cherchant l'eau la plus pure et bénéficiant de la proximité de la Cour, il jette les bases de ce qui deviendra une Manufacture Royale en 1783.
Sa réussite tient à une énergie illimitée investie dans l'innovation technique, à la qualité créative de ses produits qui le distinguent des concurrents, et à un modèle économique mêlant paternalisme et rigueur organisationnelle.
Dès 1805, la manufacture employait 1 318 personnes, des dessinateurs au sommet de la hiérarchie aux "gamins épingleurs".
Mais la grande et capitale révolution a été l’Indienne
Toute femme portait jadis une robe bleue ou noire qu'elle gardait 10 ans sans la laver, de peur qu'elle ne s'en allât en lambeaux.
Aujourdhui, son mari, pauvre ouvrier, au prix d'une journée de travail, couvre d’un vêtement de fleurs.
Ces changements qu'on croit futiles, ont une portée immense.
C’est un progrès du peuple dans l’extérieur et l’apparence, sur lesquels les hommes se jugent entre eux
Avec l’impression à l’Indienne, Oberkampf a ainsi été un pionnier de la Révolution industrielle en France en sus de la portée sociale de ces tissus fleuris.
La famille Oberkampf
Au-delà des toiles de la maison Oberkampf, la collection s'est enrichie pour inclure tous les aspects du processus de production (esquisses, blocs de bois, plaques de cuivre) et des textiles imprimés concurrents du XVIIIe siècle, y compris des chintz indiens.
Le cadre de vie du Manufacturier n'est pas oublié, avec des meubles, objets précieux et garde-robe qui évoquent l’univers de la famille Oberkampf.
Des œuvres d'artistes majeurs comme Boilly et Vernet, exposant des robes en toile de Jouy du XVIIIe siècle, complètent cette immersion dans l'histoire de la mode et de l'industrie française.
Le château de l'Églantine, siège du Musée de la Toile de Jouy
EN SAVOIR PLUS :
Pour une immersion complète dans l'histoire de la Toile de Jouy et de son fondateur, le site web :
https://www.museedelatoiledejouy.fr/
Jouy-en-Josas est située à 15 km de Paris et est desservie par la gare de Petit Jouy - Les Loges.
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