Paris, France – Le 2 juin 2025, la vénérable maison Gallimard, sise au 5 rue Gaston Gallimard à Paris, a vibré au rythme d'une célébration pas comme les autres.
Antoine Gallimard, petit-fils du fondateur, et Jean-Noël Schifano, l'âme de la collection Continents noirs, ont réuni une pléiade d'auteurs pour marquer un quart de siècle d'une aventure littéraire audacieuse.
Parmi eux, les incontournables Eugène Ébodé et Gaël Octavia, figures emblématiques de cette collection qui a su faire fi des clichés.
De gauche à droite : Jean-Noël Schifano, directeur de la collection, Gaël Octavia auteure et lauréate du Prix Goncourt de la nouvelle, Antoine Gallimard, président des éditions Gallimard et du Groupe Madrigall
Genèse d'une Collection Polémique et Avant-Gardiste
Flashback. C'est en 2000 que la collection Continents noirs voit le jour, fruit d'une rencontre décisive entre Antoine Gallimard et Jean-Noël Schifano lors d'un voyage au Gabon.
Plus précisément, c'est au Centre culturel Saint-Exupéry de Libreville, en janvier 1999, que l'idée de cette collection novatrice a germé.
Son ambition : donner une voix aux écrivains d'Afrique et de sa diaspora, sans œillères ni frontières.
Dès ses débuts, le pluriel de "Continents noirs" a donné le ton : une collection ouverte sur le monde, accueillant des auteurs de tous horizons.
Cette approche décomplexée n'a pas manqué de susciter la controverse.
Accusée de communautarisme par certains auteurs et journalistes, Continents noirs fut, un temps, la collection la plus décriée de l'histoire de la maison Gallimard.
Pourtant, la qualité littéraire des œuvres publiées a rapidement fait taire les critiques, prouvant que l'exigence artistique était le seul véritable critère de sélection.
L'Exigence Littéraire au Cœur de "Continents Noirs"
Jean-Noël Schifano, directeur visionnaire de la collection, nous éclaire sur cette quête de la "pluralité des écritures" : « "Continents noirs" est devenue, au fil des années, une collection de découvertes et d’affirmations où, comme nous le souhaitions dès le départ, s’invente et se développe la pluralité des écritures dans la littérature de la diaspora africaine. Une littérature africaine, afro-européenne, diasporique qui, aujourd’hui, fait le tour du monde… »
Le double "s" de "Continents noirs" n'est pas anodin. Il symbolise que « chaque écrivain est un continent et que son écriture de liberté issue du continent africain parcourt le monde sur les traces profondes et continues des migrations. »
Ces « écritures poreuses, en expansion, métamorphoses, contrastes infinis, réalistes baroques », démontrent la capacité des auteurs à s'approprier la langue française, à la modeler et à la réinventer avec une singularité et une force rares.
En 25 ans, Continents noirs a publié pas moins de 140 ouvrages, soit une moyenne de six par an, révélant 54 auteurs. La sélection est drastique : sur quelque 600 manuscrits reçus annuellement, seuls cinq ou six sont finalement retenus.
Parmi les récentes publications qui témoignent de cette vitalité, on compte :
L'étrangeté de Mathilde T. et autres nouvelles de Gaël Octavia
La prière du cochon de Libar M. Fofana
Je suis quelqu'un d’Aminata Aidara
Le fruit le plus rare ou la vie d'Edmond Albius de Gaëlle Bélem
Sud Sauvage de Gaëlle Bélem
Profaner Ananda de Sami Tchak et Annie Ferret
Zam-Zam d'Eugène Ébodé
À noter également la prochaine parution de deux inédits d'Henri Lopes, disparu en novembre 2023, preuve de l'engagement continu de la collection envers les grandes voix.
Les auteurs Gaël Octavia et Eugène Ébodé
Une Célébration Internationale à Rabat
Si Paris a marqué le début des festivités, c'est au Maroc que le 25e anniversaire a pris toute son ampleur.
Les 25 et 26 juin 2025, la Chaire des littératures et des arts africains de l'Académie du Royaume du Maroc, à Rabat, accueillait un événement littéraire international intitulé « Des racines puissantes aux sèves montantes ».
Un hommage vibrant à la richesse et à l'influence de cette collection qui a su tisser des ponts entre les cultures et les continents.
Cette célébration marocaine, en présence notamment d'Eugène Ébodé – administrateur de la Chaire des littératures et des arts africains – et du Pr Abdeljalil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l'Académie du Royaume du Maroc, a soulignée l'importance et la reconnaissance internationale acquises par Continents noirs au fil des ans.
Continents noirs n'est pas seulement une collection, c'est un manifeste : celui d'une littérature sans frontières, riche de sa diversité et forte de son exigence.
Elle continue, après un quart de siècle, de surprendre, d'interroger et, surtout, de nous faire voyager.
Une véritable réussite pour Gallimard, qui confirme son statut de défricheur et de passeur de voix essentielles.
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