Bao Daï : Le dernier empereur du Viêtnam

 


Dans le tourbillon des annales coloniales et post-coloniales, rares sont les destins aussi énigmatiques et mal interprétés que celui de Bao Daï, le treizième et dernier empereur du Vietnam.

Longtemps relégué au rang de monarque dilettante, plus captivé par l'éclat des voitures de sport et les charmes de la gent féminine que par les tourments de son peuple, cet homme est enfin réhabilité.


Bao Daï : une souveraineté de façade symbolique

L'ouvrage de Daniel Grandclément, « Bao Daï : Le Dernier Empereur du Vietnam », fait voler en éclats cette caricature, offrant un portrait saisissant et nuancé.

Nourri de sources familiales inédites et d'une plume d'une fluidité rare, Grandclément ne se contente pas de dépeindre un simple hédoniste.

Il révèle un stratège subtil, dont l'œuvre inlassable visait l'indépendance de sa nation.

Né en 1913 et intronisé empereur  à l'âge de 13 ans, Bao Daï a régné sous le joug implacable de la colonisation française, sa souveraineté n'étant alors qu'une façade symbolique. Pourtant, l'auteur nous convie dans les coulisses de ce pouvoir fantoche, dévoilant un esprit vif et calculateur, capable de naviguer les eaux troubles de la politique internationale avec une agilité déconcertante.


Hô Chi Minh. (à gauche) et Bao Daï (à droite)

Loin d'être une marionnette, Bao Daï a su jouer de toutes les cartes à sa disposition, se rapprochant tour à tour des Français, des Japonais, et même, un temps fugace, d'Hô Chi Minh.

Cette versatilité, souvent perçue comme un opportunisme primaire, est ici réinterprétée comme la marque d'un pragmatisme sans faille, guidé par un unique et obsédant objectif : libérer le Vietnam de l'emprise étrangère.

L'épisode de son abdication en 1945, face à la montée inexorable du Việt Minh dans le chaos de l'Indochine française, est un pivot de cette saga.

Loin d'une simple démission, Grandclément nous invite à y discerner un acte contraint mais éminemment stratégique, une manière subtile de conserver une influence, fût-ce en tant que « conseiller suprême » auprès des indépendantistes.

Son retour au pouvoir en 1949, cette fois-ci en qualité de Chef de l'État sous protection française, illustre encore cette remarquable capacité à se réinventer, à s'adapter aux vents changeants de l'Histoire.

Mais le destin de Bao Daï était précaire.

Renversé en 1955 par son Premier ministre Ngô Đình Diệm, il terminera ses jours dans un exil parisien, loin de la terre qu'il a tant et si ardemment cherchée à libérer.

Cette biographie exhaustive de Daniel Grandclément, portée par une connaissance intime du sujet grâce à ses liens avec le dernier fils de l'empereur, est une véritable bouffée d'air frais. Elle offre une perspective nuancée et profondément humaine sur un personnage historique dont l'héritage a été trop longtemps déformé par les clichés. 


Bao Daï lors du sacre impérial

« Bao Daï : Le Dernier Empereur du Vietnam » n'est pas seulement une biographie ; c'est une exploration fascinante des dilemmes d'un dirigeant tiraillé entre tradition et modernité, entre souveraineté symbolique et indépendance réelle. 

C'est, sans conteste, un ouvrage de référence, un futur classique qui s'impose comme une lecture indispensable pour quiconque souhaite comprendre les complexités de l'histoire du Vietnam et, au-delà, les défis éternels des nations post-coloniales.


Bao Daï : Le dernier empereur du Viêtnam

par Daniel Grandclément

Éditions Perrin

384 pages


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