Lire : la mode de demain sera africaine ou ne sera pas !

(par Olivier THIBAUD)

« La mode de demain sera africaine ou ne sera pas, » c’est ce qu’affirme avec force Laureen Kouassi-Olsson et qu’elle argumente de façon magistrale dans son livre « Iconic Africa ».

Une révolution de la mode africaine se déroule sous nos yeux.

Ceux qui la mènent ont pour nom Thebe Magugu, Kenneth Ize, Maryse Mbonyumutwa, Aisha Ayensu, Loza Maléombho...

Citons également les noms de pionniers tels Imane Ayissi, Alphadi, Mariétou Mariette Dicko , Chris Seydou…

Les collections de ces talents rendent leurs lettres de noblesse à des artisanats millénaires, tout en témoignant d'une identité africaine inscrite dans la modernité .

Il convient donc de parler d’Afro-modernisme .

Décomplexée, toujours plus émancipée des injonctions vestimentaires occidentales, une nouvelle garde de designers offre à la création made in Africa une reconnaissance sans précédent sur la scène internationale.

Leur vision d'un luxe durable imprègne peu à peu les garde-robes du continent, mais aussi celles des consommateurs du monde entier.

Pourtant, ce bouillonnement créatif peine encore à devenir un instrument de puissance économique.

Pour illustrer ce mouvement de fond nous avons choisi de vous présenter quelques ouvrages de référence, à lire… sans modération !

Iconic Africa

la mode de demain sera africaine ou ne sera pas 

Par Laureen Kouassi-Olsson

Éditions Débats Publics

Publication septembre 2023

172 pages

18 €

Laureen Kouassi-Olsson c’est l’itinéraire d’une femme pressée!

Cette franco-ivoirienne débute sa carrière dans la banque d’affaires Lehman Brothers en 2006 dans les équipes fusion-acquisition, elle subit de plein fouet la faillite de cet établissement qui signale le début de la crise financière de 2008.

Bouleversée par cette expérience, elle décide de se consacrer à une finance responsable et de se recentrer sur son continent d’origine.

En 2009, elle rejoint Proparco, filiale de l’Agence française de développement (AFD) dédiée au secteur privé

Elle y occupe les fonctions de chargée d’investissement, spécialisée dans le secteur financier.

En 2012, elle fait partie des tout premiers professionnels à rejoindre Amethis, un fonds d’investissement spécialisé sur l’Afrique et basé à Paris.

Nommée directrice d’investissement pour le secteur financier, elle exerce sur l’ensemble du continent avant de s’installer à Abidjan en 2016 afin de lancer Amethis West Africa.

Elle se passionne alors pour les industries créatives africaines, en particulier la mode et le design, et s’imprègne de l’univers et du talent de ses acteurs au gré de ses déplacements à travers les hubs économiques du continent.

En 2020 elle crée Birimian, une plateforme d’investissement dédiée aux industries créatives africaines :

elle se consacre alors à des projets qui lui permettent de concilier son savoir-faire en tant qu’investisseuse avec sa passion pour la mode et le design africains.

Dans « Iconic Africa », Laureen Kouassi-Olsson se livre à une entreprise inédite :

présenter un panorama complet des enjeux culturels, environnementaux mais surtout socio-économiques qui participent à l'irrésistible ascension de la mode au sud du Sahara.

Elle plaide en faveur de la mobilisation des services financiers les plus inventifs au service des stylistes continentaux.

Un mariage gagnant entre art et "trade" qui pourrait bien permettre l'industrialisation de la création africaine, tout en préservant ses caractéristiques uniques :

"slow fashion", richesse d'un artisanat d'exception et respect de l'environnement.

Swinging Africa

Par Emmanuelle Courrèges

Éditions Flammarion

Paru le 24 novembre 2021

240 pages

Prix : 60€

Emmnanuelle Courrèges est une enfant d'Afrique puisqu'elle a grandi entre le Cameroun, le Sénégal et la Côte d'Ivoire où son père dirigeait des centres culturels.

Des podiums de Lagos aux festivals de musique de Casablanca, des « image makers » de Marrakech aux influenceurs de Johannesbourg, une nouvelle génération de créateurs africains - designers de mode, photographes, blogueurs, hair et make-up artistes - redéfinit les contours esthétiques du continent.

Audace, humour, disruption sont les maîtres mots de cette jeune garde qui, si elle puise dans son héritage pour le revaloriser, en propose une approche hyper-contemporaine.

Cette révolution s'entend comme le prolongement d'une revendication continentale :

celle d'une réappropriation culturelle et de l'invention d'un langage propre.

Ce volume célèbre cette effervescence créative qui, en bousculant les codes et la narration sur le continent africain, invente un nouveau chapitre de la mode et, déjà, inspire le monde !

Pourquoi ce titre « Swinging Africa » ?

Tout simplement en clin d'oeil adressé au « Swinging London » des années 60 !

Swinging London ou Swinging Sixties est une expression rendant compte de la vitalité culturelle de Londres dans les années 1960, devenue une capitale de la culture pop et de la mode.

Parmi les symboles de cette période, on trouve les Beatles; la minijupe de Mary Quant ; les mannequins populaires comme Twiggy ou Jean Shrimpton ; la sous-culture mod ; les grandes zones commerciales de Londres, King's Road, Kensington et Carnaby Street ; le militantisme du mouvement antinucléaire ; et la libération sexuelle …

Aujourd'hui, c'est avec l'Afrique que nous vivons une même révolution :

en un mot, « Swinging Africa » c’est l’Afrique qui vient !

Wax and Co -  Anthologie des tissus imprimés d’Afrique

Par Anne Grosfilley

Éditions La Martinière

Parution septembre 2017

264 pages

35 €

La mode est aux tissus africains, et tout particulièrement au wax (1) dont la signature graphique, avec ses couleurs vibrantes et ses motifs légèrement décalés, se reconnaît entre mille.

On en oublierait que cet imprimé, né au milieu du XIXème siècle, est le fruit d'une longue histoire entre l'Europe, l'Afrique et l'Asie.

Batik industriel mis au point par les Hollandais, le wax est d'abord destiné aux Indonésiens - qui le boudent.

Mais il connaîtra un immense succès en Afrique de l'Ouest où il fera la richesse des Nana Benz, ces commerçantes pionnières qui ont su le diffuser et le populariser.

Le marché du wax est aujourd'hui partagé entre plusieurs fabricants :

européens, africains et asiatiques.

Il est le reflet complexe des liens qui unissent l'Afrique au reste du monde.

Anne Grosfilley, anthropologue spécialisée dans le textile et la mode en Afrique, sillonne les routes du wax, du kanga ou du shweshwe depuis plus de vingt ans.

Elle nous invite à découvrir l'histoire méconnue des imprimés d'Afrique au fil de son exceptionnelle collection de tissus.

Un voyage textile inoubliable où le langage des dessins acquiert une nouvelle dimension 

Wax. 500 tissus

Par Anne Grosfilley

Éditions La Martinière

Parution mai 2019

384 pages

25 €

Des dessins étonnants, des couleurs audacieuses :

découvrez le wax, une étoffe emblématique du continent africain, grâce aux 500 tissus réunis dans ce livre.

En racontant l'histoire de chaque dessin, Anne Grosfilley invite à comprendre comment des classiques des années 1920 ou 1950 ont pu traverser frontières et décennies afin de séduire aujourd'hui une clientèle parisienne, londonienne, milanaise ou new-yorkaise.

Le livre rend hommage aux créateurs de ces imprimés, à présent largement copiés par des industriels asiatiques.

Un carnet d'inspirations et une histoire de la mode et du textile.

L'Afrique ou les Afriques ?

L’Afrique, on en parle souvent au singulier, éludant le fait qu'elle comporte en fait 54 pays :

l'Afrique, c'est en réalité les Afriques avec des designers aux voix aussi fortes que différentes.

L’Afrique est pleine de diversité en matière de tissu.

L’image ci-dessous représente de façon non exhaustive la distribution des tissus africains à travers le continent.

L'Afrique abrite des milliers d’ethnies différentes.

Chacune d’elles a sa propre langue, culture, foi, tradition et mode de vie.

De même, la façon dont les peuples de ces nombreuses ethnies s'habillent varie beaucoup.

C’est pourquoi, lorsque nous parlons de tissus traditionnels africains, il pourrait s’agir d’une variété de tissus conçus par les africains avec une technique propre à chacun et une histoire culturelle qui se cache derrière.

Citons quelques-uns uns :

le faso dan fani (Burkina Faso), le kente ou kita (Ghana et Côte d’ivoire), le bogolan (Mali), le dashiki (Nigeria), le ndop (Cameroun), le bazin (Mali), le toghu (Cameroun), le lépi (Guinée Conakry), le samakaka (Angola)…

Sans oublier l’incontournable wax qui est régulièrement rattaché au continent africain mais qui vient en réalité d'Indonésie et a été importé...par les Hollandais.

(1) la grande aventure du wax

Le wax est un tissu qui a ses origines en Indonésie au milieu du XIXème siècle.

Les Javanais produisaient du batik, un tissu de coton imprimé à la cire des deux côtés, fixant les couleurs et les rendant presque imperméable.

C’est de là que vient le nom “wax”, qui signifie “cire” en anglais.

Au début du XIXème siècle, les Néerlandais ont recruté des guerriers Ashantis en Côte-de-l’Or néerlandaise (actuel Ghana) pour les envoyer combattre à Sumatra et à Bornéo.

Ces tirailleurs néerlandais sont revenus au pays ou se sont faits commerçants, emportant des batiks dans leurs malles.

Ces tissus ont beaucoup plu aux Ashantis.

Des usines, s’inspirant de la technique du batik javanais, ont été installées d’abord en Grande-Bretagne ; elles utilisaient de la cire, wax en anglais.

Les Hollandais ont récupéré l’idée et le nom, ont perfectionné la technique, et ont lancé un commerce transcontinental.

Cependant, lors de l’exportation en Indonésie, les batiks des Hollandais ont été accusés d’être de mauvaise qualité en raison de nombreuses imperfections.

Leur conquête de l’Indonésie fut un échec, ils se sont donc tournés vers l’Afrique afin d’écouler leur production.

Finalement, les industriels européens ont trouvé un débouché commercial en Côte-de-l’Or néerlandaise, dont les habitants appréciaient au contraire ces irrégularités, estimant les tissus plus vivants ainsi.

Le commerce du wax a été alimenté par les navires de charge néerlandais en route pour les Indes orientales néerlandaises.





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