Musée du quai Branly : une invitation au voyage chamanique


(par Ambre DELCROIX et Olivier THIBAUD)

Breuvage préparé à l’aide de plantes endémiques de la forêt amazonienne, l’ayahuasca est consommé par de nombreuses populations autochtones à des fins spirituelles, thérapeutiques ou cérémonielles.

Ses propriétés visionnaires en font le véhicule de savoirs constitutifs des cosmologies des peuples d’Amazonie occidentale qui en font usage.

Ce caractère a conduit le Pérou à reconnaître aux connaissances et aux pratiques liées à l’usage de l’ayahuasca la qualité de patrimoine culturel de la Nation en 2008.

Ainsi Emmanuel Kasarhérou, président du musée du quai Branly – Jacques Chirac, introduit-il l’exposition intitulée Visions chamaniques. Arts de l’ayahuasca en Amazonie péruvienne visible jusqu’au 26 mai 2024 .

Cette exposition, pionnière en Europe au regard de son propos, de son ampleur et de l’intérêt des œuvres qui y sont présentées, se penche sur les productions artistiques inspirées des visions provoquées par l’ingestion d’ayahuasca.

Riche d’un répertoire captivant de formes et de motifs, tantôt géométriques, tantôt figuratifs, cet art dit « visionnaire » s’est développé à la fin du 20e siècle.

Il a rencontré au Pérou l’intérêt d’un public urbain avant de toucher une clientèle mondialisée, ouvrant un segment du marché de l’art contemporain aujourd’hui en plein essor.

Proposant une lecture informée des œuvres autant qu’un éclairage minutieux des ressorts culturels de leur création, l’exposition invite le visiteur – et le lecteur du catalogue – à affranchir son regard des seules perspectives formalistes.

Dans la trame de productions du plus haut intérêt esthétique, Visions chamaniques - Arts de l’ayahuasca en Amazonie péruvienne dévoile une tradition en devenir, qui se forme sous nos yeux.

L’exposition ouvre à ce titre une réflexion passionnante et rare sur les mécanismes de patrimonialisation des pratiques culturelles dans un contexte de mondialisation.

De nombreuses questions émergent au fil du parcours posant avec une acuité d’autant plus forte que la culture visionnaire amérindienne a évolué sous l’effet d’aspirations et d’interprétations exogènes, erronées à certains égards, à l’instar des formes d’appropriation occidentale nées dans le sillage des Lettres du Yage, ouvrage culte de la contreculture américaine dans lequel William Burroughs et Allen Ginsberg relatent leurs expériences de consommation d’ayahuasca en Colombie et au Pérou.

Dans une lettre qu’il destine à William Burroughs en juin 1960, Allen Ginsberg décrit les visions qu’a suscitées chez lui une prise récente du breuvage.

Il séjourne alors dans la ville de Pucallpa, au centre-est du Pérou.

Expliquant s’être senti comme la représentation de l’image qu’il voyait, « tellement l’idée était réelle », il en conclut que « l’œil est une idée imaginaire qui donne vie à l’image ».

Par leur propension à ouvrir les imaginaires, nul doute que l’exposition et son catalogue mettront le regard du public en éveil, faisant de la découverte des arts visionnaires une expérience en soi, puissamment vivante .

Alors, cette exposition est-elle une invitation au voyage ou « tourisme chamanique » ?

Pourquoi pas ?

INFORMATIONS PRATIQUES

L’exposition est visible jusqu’au 26 mai 2024

Mezzanine Est au musée du quai Branly – Jacques Chirac

37, quai Branly ou 206 et 218, rue de l’Université 75007 Paris

www.quaibranly.fr

#VisionsChamaniques

Horaires du musée

Mardi, mercredi, vendredi, samedi et dimanche de 10h30 à 19h.

Nocturne le jeudi jusqu’à 22h.

Fermeture hebdomadaire le lundi, sauf durant les vacances scolaires, toutes zones confondues.

Visions chamaniques. Arts de l’ayahuasca en Amazonie péruvienne s’appuie dans une large mesure sur les travaux post-doctoraux de David Dupuis consacrés à la représentation, à la circulation et à la patrimonialisation des « images visionnaires » de l’ayahuasca.

David Dupuis est commissaire de l’exposition.




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