Le tambour parleur des Ébriés bientôt restitué à la Côte d'Ivoire


(texte : Olivier THIBAUD ; photos : D.R.)

La restitution prochaine par la France du Djidji Ayôkwé, le tambour parleur des Ébriés de Côte d'Ivoire, constitue «un geste fortement historique,» a salué la chefferie traditionnelle de ce peuple de la région d'Abidjan.

Et l’une des dernières étapes de cette restitution s’est déroulée le 7 novembre dernier au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris avec la « désacralisation » de l’objet en présence de Clavaire Aguego Mobio, chef traditionnel des Ébriés, Silvie Memel Kassi, directrice Générale de la Culture de Côte d'Ivoire et les autorités coutumières .

Les notables ébriés lors de la désacralisation

«Je suis très heureux d'apprendre cette nouvelle. On ne s'attendait même plus à un retour de ce tam-tam qui était notre haut-parleur, notre Facebook,» s'est dernièrement félicité Clavaire Aguego Mobio .

La Côte d'Ivoire avait officiellement demandé fin 2018 à la France la restitution de 148 œuvres d'art africain.

«Le premier objet que nous demandons est le Djidji Ayôkwé, le tambour parleur du peuple Ébrié.

C'est un objet symbolique d'une grande importance qui a été arraché pendant la colonisation,» avait précisé, Silvie Memel Kassi.

«La disparition du tambour avait beaucoup déstabilisé l'organisation sociale et traditionnelle des Ébriés,» avait ajouté le chef Mobio .

Le Djidji Ayôkwé, tambour parleur des Ébriés : 3,31 mètres pour 430 kilos

Comment le tambour parleur ébrié a-t-il quitté sa terre natale ?

Ce tambour était utilisé comme un outil de communication pour transmettre des messages entre différentes localités.

Il faut savoir qu’en pays Akan, le tam-tam parleur fait partie des attributs de la chefferie.

En réalité, les colons avaient compris l’importance et le rôle du tambour Djidji Ayôkwé dans la résistance des Ébriés.

Car ses fonctions n’étaient pas seulement festives ou solennelles :

en période de guerre, le tam-tam parleur jouait le rôle de veilleur.

En effet l'instrument était également destiné à transmettre des indications ou des ordres à caractères politiques ou économiques.

Selon la tradition orale des Tchaman du Goto Bidjan, en 1916 l'administrateur des colonies Simon reçoit l'ordre du gouvernement général de « pacifier » le pays qui - à maintes reprises - résiste aux autorités françaises d'occupation.

Il organise des expéditions punitives contre les villages « rebelles ».

À chaque opération, les troupes coloniales et ses milices locales découvrent que les Bidjan sont informés des opérations et unis pour défendre le village attaqué.

En effet, il était particulièrement utilisé pendant la période de « recrutement » pour la construction de routes afin d'annoncer l'arrivée des colons dans les villages et permettre aux hommes de fuir ...

Le rôle du tambour Djidji Ayôkwé dans la résistance des Tchaman est plus tard découvert.

Simon organise en 1916 une expédition punitive contre Adjamé, lieu où est entreposé le Djidji Ayôkwé.

Avertis, les Tchaman défendent leur bien.

Cependant, mieux armés, recevant du renfort du camp des gardes d'Abidjan, les militaires de Simon enlèvent le tambour et coupent ainsi la communication des peuples résistants.

Il réalise alors la « pacification » des villages soumis.

Par la suite, les clans (Mando) se soumettent à l'autorité d'occupation.

Maurice Kouakou Bandaman, actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris, avait déclaré au temps où il était ministre de la Culture à Abidjan que l’objet avait été « arraché, confisqué, capturé » par les colonisateurs français, car sa « voix » permettait « la mobilisation du peuple Akan » contre les troupes coloniales.

Après restauration le tam-tam parleur retournera en Côte d’Ivoire :

il rappellera ainsi l’histoire et revalorisera le peuple Ébrié dont les traces sont en train de disparaître avec l'urbanisation sauvage de l'agglomération d'Abidjan qui abrite désormais plus de cinq millions d'habitants…


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