Exposition : « La part de l’ombre » sculptures du sud-ouest du Congo au Musée du Quai Branly

A l’heure où la question de la restitution des biens culturels est à l’ordre du jour, le Musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris offre au public à découvrir un pan méconnu de la culture de l’Afrique centrale.

C'est Julien Volper, conservateur au Musée royal de l'Afrique centrale de Tervuren (Belgique) qui est à l'origine de l'exposition « La part de l'ombre. Sculpture du sud-ouest du Congo » qui se tient jusqu’au 10 avril 2022.

Au travers de 163 œuvres, pour la majorité montrées pour la première fois au public, l'exposition « La Part de l'ombre » révèle la production artistique d'une région encore peu connue : le sud-ouest du Congo (actuellement République Démocratique du Congo).

Le Congo, un pays de plus de 2 millions de kilomètres carrés (1).

A la question pourquoi un tel focus sur cette zone culturelle et géographique, le commissaire de l'exposition explique :

« Le Congo est un pays de plus de deux millions de kilomètres carrés avec une diversité de cultures importantes. »

Les provinces abordées dans l'exposition - Kwongo, Kwilu, Mai-Ndombe et Kinshasa - ont une superficie totale qui dépasse celle d'un pays européen comme l'Italie et regroupe une population de plus de 28 millions d'habitants.

Une diversité que l'on retrouve tout particulièrement dans le domaine des arts plastiques.

Statuaire, masques et autres objets usuels de la région s'exposent, souvent pour la première fois, au Musée du Quai Branly Jacques Chirac.

Ils témoignent des rites, traditions et « caractéristiques stylistiques, iconographiques et typologiques » des différents peuples qui cohabitent sur le territoire :

Yaka, Pende, Suku, Tshokwe, Yanzi, Sakata ou encore Buma.

Découvrir la « culture matérielle » du sud-ouest du Congo

L'exposition débute par la présentation des masques les plus emblématiques de la région dont on découvre la fonction dans le cadre de rites d'initiation masculine, avant de découvrir la statuaire « tout aussi considérable, aussi bien par sa fonction que par la nature de ses matériaux, » souligne Julien Volper.

Le parcours de l'exposition se poursuit par plusieurs objets, témoignages des événements historiques survenus au Congo.


Appui-nuque

Pour terminer, les objets sculptés les plus remarquables de la région - hors masque et statuaire - sont présentés, tels que des appuis-nuque, des peignes ou encore des cannes.

« J'ai voulu que le visiteur ait une idée de la culture matérielle du sud-ouest du Congo, » décrypte Julien Volper.


(1) Le Congo est un pays de plus de 2 millions de kilomètres carrés.

En comparaison, la Belgique – ancienne puissance coloniale – c’est 30 500 km2, la France 544 000 km2

La RDC est le deuxième plus vaste pays d'Afrique après l'Algérie.

Le 1er août 1885, la Conférence de Berlin accordait au roi Léopold II de Belgique la souveraineté sur l'État indépendant du Congo (EIC).

Dès ce temps il fut considéré comme une possession personnelle et privée du roi.

En 1908 l’EIC était cédé par le roi des Belges à la Belgique.

Masque pwo, Tshokwe

Ce masque pwo incarne et honore un ancêtre féminin. Il est fréquent qu’une femme de la communauté admirée pour sa beauté inspire le sculpteur. Ce masque est porté par un homme au corps recouvert d’un costume féminin et dont l’identité doit rester secrète. Un lien fort unit le danseur à son masque.

Il doit payer une dot symbolique au sculpteur avant de pouvoir le porter et est parfois enterré avec lui à sa mort.

Ce masque était utilisé lors du mukanda, un rite d’initiation masculine marquant le passage à l’âge adulte des jeunes garçons.

Les initiés étaient alors circoncis, puis isolés durant plusieurs mois dans un camp en brousse où leur étaient enseignés des savoirs liés à la sexualité, la connaissance des mythes, des coutumes, des lois, et de la chasse.

Pendant le mukanda, ce masque pwo jouait un rôle d’émissaire en rendant visite aux mères des jeunes initiés restées au village.

Statuettes pindi, Mbala

Ces deux statuettes sont de la main du même sculpteur. Séparées après leur collecte et réunies plus tard dans les collections du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, elles formaient probablement une paire. La figure féminine – une maternité – illustre l’activité des femmes allant chercher l’eau accompagnées d’enfants.

La figure masculine montre un musicien jouant du tambour sur une estrade, comme pour transmettre un message à la communauté. Ces duos de statuettes, appelés pindi, étaient des objets de pouvoir utilisés lors de l’intronisation des chefs mbala.

Ils étaient conservés, avec d’autres attributs du pouvoir, dans le trésor du chef. Ce dernier était le seul à pouvoir les toucher sans subir les conséquences de leur pouvoir.

Ces statuettes étaient invoquées pour lutter contre les mauvaises récoltes, les épidémies, les guerres ou lors d’événements liés à la justice et la chasse.


Statue emumu représentant un lion, Iyembe

Dépourvue de tout pouvoir magique, cette statue de lion était utilisée comme accessoire chorégraphique pour jouer des scènes du Bobongo.

Le Bobongo est une danse née au 19ème siècle dans la région du lac Maï-Ndombe, au nord de l’ancienne province du Bandundu.

Un homme du nom d’Itetele s’inspira de danses locales tout en y mêlant d’autres de son invention. Le Bobongo se répandit jusqu’à devenir une performance associant danse, théâtre, musique et chants.

Chaque village possédait sa propre version du Bobongo, ce qui donnait lieu à des compétitions entre troupes.

Une représentation alliait paroles sacrées, contes et proverbes dans un arrangement polyphonique.

Elle se terminait par des danses acrobatiques réalisées au sommet de structures en bois pouvant mesurer jusqu’à dix mètres de hauteur.


Pendentif gikhoko, Pende centraux

Ce pendentif est la reproduction miniature d’un masque servant d’intermédiaire avec les ancêtres.

Il est fait d’ivoire d’éléphant, un matériau utilisé pour transmettre l’objet en héritage. Appelé gikhoko (plur. ikhoko), ce type de pendentif était remis à certains circoncis à la fin de l’initiation du mukanda.

La société des Pende suivant une filiation maternelle, la transmission se faisait de l’oncle maternel au fils de sa sœur. En recevant un gikhoko, le jeune initié recevait le givule de son oncle défunt, c’est-à dire une part nomade de l’âme.

Un homme du peuple wongo, pendentif gikhoko associé à de petits coquillages qui servaient de monnaie.

La période coloniale impacta le rituel du mukanda, et les pendentifs ikhoko qui y étaient liés devinrent progressivement de simples ornements témoignant de la virtuosité des sculpteurs.






















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