Le parfum est la forme la plus intense du souvenir

 



« Le parfum est la forme la plus intense du souvenir »

Cette phrase est du célèbre parfumeur Jean-Paul Guerlain

Ainsi me revient-il en mémoire un article que j'ai écrit il y a bien longtemps, à la suite d'une mission effectuée pour les Nations Unies auprès du gouvernement de Djibouti .

LA ROUTE DE L'ENCENS

Djibouti, 16 juin 1988 -

En dernière page du journal local "La Nation" je lis un article intitulé :

- Le "Beder" sauvé‚ des eaux -.

La température atteint déjà 46 degrés à l'ombre et il y a peu de chance pour qu'elle baisse :

le « khamsin » – vent du Nord - ne soufflera pas avant quelques jours.

Le fait divers est des plus insolites :

un boutre somalien, parti du port de Bossasso pour Djibouti, dérivait depuis trois jours sur une mer agitée à la suite d'une avarie de moteur.

Déjà il prenait l'eau quand un cargo roumain qui passait à proximité l'aperçut et lui porta secours.

Le boutre était chargé d'encens.

Voilà qu'étaient toujours d'actualité les histoires mystérieuses et féeriques contées par Henri de Monfreid et tant d'autres :

celles de l'encens et des aventuriers de la Mer Rouge.

Les boutres, s'ils sont maintenant équipés de moteurs, naviguent toujours de façon périlleuse, sans feux de navigation, sans matériel de sécurité, avec tout juste un compas et - pour les plus importants - un radar.

Les meilleures coques sont toujours construites sur la côte Est de la mer d'Arabie, plus spécialement à Beypore (côte Ouest de l'Inde) pour être ensuite en général motorisées à Dubaï : les moteurs Diesel importés du Japon n'y sont pas taxés.

Les membrures sont réalisées en bois de jungle ou « babul » (variété d’acacia) et le bordé‚ en teck.

Pourquoi la construction ne se fait-elle qu’en Inde ?

Tout simplement parce que le gouvernement indien interdit l'exportation du teck sous forme brute, ce qui n'était pas le cas dans le passé.

La construction se fait sans plans par deux équipes travaillant chacune sur un bord, ce qui crée une émulation et permet de faire avancer le travail plus vite.

Les clous et ferrures sont forgés sur place.

La tradition veut que l'on place dans la mortaise de quille, destinée à recevoir l'étrave, un petit objet précieux (or ou perle) symbole de chance et de richesse.

Peut être cette règle élémentaire n'avait-elle pas été respectée pour le Beder? 

Avant le lancement la coque ne sera pas peinte mais recouverte d'une couche de graisse protectrice.

Djibouti, plaque tournante du commerce de l’encens 

Quant à l'encens, son commerce faisait déjà aux temps anciens la fortune de la reine de Saba dont chacun garde présente en mémoire la grande beauté.

Mais qu'était-ce donc que la fameuse route de l'encens ?

Tout d'abord il convenait de voir ce qu'il en était de son commerce et de rencontrer quelque commerçant qui accepterait d'en parler, car à Djibouti la discrétion et la méfiance en affaires sont proverbiales.

Après maints rendez-vous reportés, deux associés, un négociant yéménite et un collecteur somalien, acceptent de nous conduire dans un incroyable atelier clandestin.

Pour s’y rendre nous ne changerons pas moins de cinq fois de taxi et emprunterons un itinéraire des plus compliqués : pas question d’être reconnus ou de se faire suivre.

Arrivée dans un hangar surchauffé : une centaine de femmes, assises à même le sol, trient en silence le contenu d'une grande quantité de sacs de jute :

l'encens !

Le vieux Somalien prend une poignée de perles d'un blanc jaunâtre et invite le visiteur à en mâcher quelques-unes : « Cela donne de l'appétit, » affirme-t-il.

Un quart d'heure après le scepticisme fait place à la conviction : la faim commence à tenailler l'estomac.

Dans le cas présent, la marchandise est arrivée de Somalie la veille à dos de chameaux, d'autres fois elle arrive de mer par boutre.

Dans tous les cas le convoi est escorté d’hommes armés.

A l'aide de petites gamelles les femmes séparent l'encens en cinq qualités, selon la taille des morceaux ou perles : la numéro un se présentant sous forme de plaques de résine odorante de couleur jaune pâle.

Ce lot doit partir sur Djeddah à Bord d'un Boeing 747 dans quelques jours et il faut travailler vite car la réservation de fret a été effectuée.

L’extraordinaire expédition de la reine-pharaonne Hatchepsout

La tradition commerçante de la Corne de l'Afrique remonte à des temps lointains, plus récemment à Djibouti les établissements Besse Mer Rouge avaient des comptoirs jusque sur les côtes indiennes.

Dès 2 400 avant J.C., les Egyptiens font mention du pays de Pount, contrée montagneuse du Nord de l'actuelle Somalie, qui leur fournissait diverses marchandises précieuses au nombre desquelles l'encens.

L'histoire retient particulièrement la reine d'Egypte Hatchepsout (1 490-1 469 avant J.C.) qui fut l'une des rares à assumer pleinement la souveraineté pharaonique : elle se faisait représenter avec la fausse barbe et tous les attributs des pharaons.

A cette époque les Egyptiens avaient parfois des difficultés d'approvisionnement en encens qui était nécessaire au culte des dieux. 

C'est ainsi que la reine Hatchepsout lança une expédition de cinq navires de trente rameurs chacuns qui partit charger au pays de Pount (1) - en échange de verroterie - de l'ivoire, de la poudre d'or, des singes, des hommes et des femmes, et surtout, du fard pour les yeux, du bois de cannelle, de la résine de myrrhe et des arbres à encens.

Seules de grandes expéditions maritimes pouvaient forcer le monopole des intermédiaires arabes qui avaient développé un commerce très actif.

Au retour des bateaux Hatchepsout fit planter les arbres, qui étaient au nombre de trente, dans l'enceinte du temple thébain de Deir El Bahari, situé dans la Vallée des rois. Les bas-reliefs, situés à l’arrière les colonnades de la partie Est du temple funéraire qu'elle se fit construire de son vivant, comme le voulait la coutume pharaonique, retracent avec maints détails exotiques les étapes de cette fabuleuse expédition en pays lointain : les arbres à encens y sont représentés avec leurs racines durant leur transport en bateau.

Le commerce entre le pays de Pount et la région du Sinaï, riche en minerai de cuivre, prendra plus tard une telle importance qu'il justifiera le percement de l'isthme de Suez par les pharaons de la XIIème dynastie.

Long de 150 kilomètres, large de 25 à 30 mètres et profond de 3 mètres, ce premier canal de Suez ne fut abandonné qu'à l'époque musulmane en raison des difficultés à le drainer après chaque tempête de sable.

Les textes sur le pays de Pount, terre des dieux, ne seront décryptés que trois millénaires plus tard grâce aux travaux de Champollion, c'est à dire au XIXème siècle.

L'Arabie heureuse restera comme le parfum d'un paradis perdu

Autre époque, autre reine que la reine de Saba.

Son royaume était situé aux confins des deux actuels Yémen.

L'historien grec Hérodote (484-420 avant J.C.) nous rapporte que sa capitale se nommait Mareb.

Ce pays connut une grande prospérité‚ au temps de l’« Arabia Felix » , l'Arabie heureuse.

Ses deux richesses étaient l'agriculture et le commerce.

Ce dernier constituait même l'élément moteur de son économie :

ses habitants servaient d'intermédiaires entre les commerçants de l'Inde et ceux du Nord de la péninsule (Syrie, Egypte, Palestine).

Certaines des marchandises voyageaient par mer, mais la plus grande partie était transportée à dos de caravanes, notamment l'encens, la myrrhe, les épices, les aromates et les parfums.

Très finement, les Yéménites laissaient planer une ombre quant à l'origine de ces produits afin de protéger au maximum leurs transactions et d'éviter que d'autres marchands entreprenants aillent les chercher directement à leurs sources.

Hérodote rapporte, au sujet de l'encens, qu'il était produit par des arbres défendus par un grand nombre de petits serpents ailés qu'il n'était possible d'écarter que par des fumigations de styrax (benjoin).

La légende ajoute que la récolte en était faite par des vampires, de quoi ajouter à l'effroi déjà grand des curieux.

D'ailleurs de telles croyances se perpétuent de nos jours : les Yéménites ne prétendent-ils pas que les secrets sont gardés par des serpents qui mordent l'homme trop curieux ?

C'est vers 940 avant J.C., que la jeune, belle et riche reine de Saba partit, escortée d'une très grande suite de chameaux, rendre visite au roi Salomon, alors reconnu pour sa puissance et sa grande sagesse.

Elle eut à traverser des contrées inhospitalières et désertiques.

Arrivée à sa cour elle fit au roi de nombreux présents, parmi lesquels, cent vingt talents d'or (soit environ sept tonnes) et une quantité d'encens telle qu'il n'en avait vu et qu'il n'en verrait jamais plus de pareille.

Ce même encens qui, toujours par son intermédiaire, parvenait jusqu'aux empereurs de Chine.

De sa rencontre avec le roi Salomon devait naître, quelques mois plus tard, un fils qu'elle nommera Ménélik.

Ainsi commençait une longue dynastie royale à laquelle la tradition rattachera l'empereur Haïlé Sélassié.

Bilkis, reine de Saba, également appelée Makéba par les Abyssins d'Ethiopie, était-elle originaire d'Arabie du Sud ou d'Ethiopie ?

Aucune preuve irréfutable n'a été apportée à ce jour et le mystère subsiste.

Ce qui est certain c'est qu'aux Vème et IVème siècles avant J.C. les souverains de Saba étendaient leur empire de la Corne orientale de l'Afrique, dont une partie de l'Ethiopie, et à l'Est, du riche Hadramout du Sud-Yémen jusqu'au Dhofar d'Oman.

En prenant ainsi le contrôle de leurs sources d'approvisionnements en encens, ils organisaient et développaient la récolte et la commercialisation des gommes et des aromates : son apogée sera marquée par la confédération sabéenne d'un « mukarrib » (chef) de Saba nommé Kari il Watar

Notons, à ce sujet, qu’Hérodote se trompait donc quand il écrivait que l'Arabie était le seul pays du monde à produire l'encens. Ce qui montre combien les Sabéens étaient jaloux de leurs secrets de commerce.

Cette période de prospérité s'achèvera à la fin du VIème siècle de notre ère : luttes entre clans, conflits religieux, épidémies, négligence dans l'entretien des ouvrages d'irrigation, en furent les causes.

Le désert reprit alors ses droits.

Mais l'encens aura été un lien entre les hommes de cette époque :

précieux et secret il favorisa les échanges et la communication par son commerce.

La félicité de l'Arabie heureuse aura duré plus de 1 600 ans !

Il en reste comme le parfum d'un paradis perdu.


Olivier THIBAUD

 

NOTES :


Des usages de l’encens

Dès la plus haute antiquité (5 000 ans avant notre ère) l'encens était brûlé dans les temples en offrande aux dieux.

La fumée, somptueusement odorante, montait dans le ciel pour réjouir les divinités qui ne se nourrissent que d'immatérialité.

C'est toujours, dans nombre de religions, le moyen de communiquer avec le ciel.

Les volutes qu'il dégageait ainsi étaient également interprétées en art devinatoire.

Bien entendu il était du nombre des substances sensées depuis la préhistoire provoquer l'amour, telles la corne de rhinocéros, le « zob el zobar » ou membre de tortue, le ginseng (l'homme-racine), le caviar noir, la mandragore brune, le jus de navet incolore, et tant d'autres.

Il servait également à masquer les mauvaises odeurs, en particulier celles des cadavres, sous forme de fumigations ainsi qu'à des essais de conservation des corps (avant même la connaissance des Egyptiens de la momification).

Ainsi les expressions « mourir ou être en odeur de sainteté », qui rapproche l'homme de la divinité, « encenser de louanges », pour s'attirer les bonnes grâces d'un être.

L'embaumement des corps chez les Egyptiens, la crémation avec utilisation d'encens, facilitait le passage de l'âme vers l'au-delà.

L'encens permettait également de conserver plus longtemps les aliments tout en les rendant plus appétissants et entrait donc dans la composition de plats.

Son usage s'étendait également à la confection de cosmétiques et de médicaments :

il passait pour guérir la phtisie et l'inflammation des voies urinaires.

Autre emploi insolite de l'encens, mais en Chine cette fois : la mesure du temps !

Des sceaux en métal ajouré étaient disposés sur des lits de braises très tassées et l'on versait l'encens par ces ouvertures.

Une fois les sceaux retirés, l'encens dessinait de savants motifs dont certains points désignaient les heures.

Il suffisait de faire brûler l'encens et d'observer la quantité consumée pour connaître l'heure.

C'était un raffinement suprême réservé aux seuls empereurs pour mesurer le temps écoulé.

Plus près de nous, l’apôtre Matthieu rapporte dans les Evangiles :

« Les trois mages vinrent à Bethléem, virent l'enfant Jésus, se prosternèrent devant lui et lui offrirent en présents de l'or (« khryson », en grec), de l'encens (« libanon »), et de la myrrhe (« smyrnan »)."

L'or était le tribut destiné au roi.

L'encens était le présent offert à Dieu.

La myrrhe rappelait la qualité d'homme : c'était l'une des aromates réservées à la sépulture des morts.

Mais qu'est-ce donc exactement que l'encens ?

Le nom d'encens, issu du latin « incensum » signifiant « qui est brûlé en sacrifice » est une matière résineuse utilisée pour la fabrication de nombre de parfums.

Egalement nommé « oliban », il se présente sous forme de larmes globulaires ou piriformes que l'on recueille sur les tiges incisées de plusieurs variétés de burseracées, acclimatées dans des régions calcaires et montagneuses entre 1 000 et 1 800 mètres d'altitude :

ces concrétions résineuses jaune pâle ou orange fournissent une substance foncée et dure, dont on tire des extraits.

Il est produit par la « Boswellia Carterii », ou arbre à encens, qui est un arbuste buissonnant de deux à trois mètres de hauteur, à petites feuilles composées de neuf à quinze folioles de couleur vert sombre.

Sous l'écorce brune de ses branches apparaissent au plus fort de la chaleur, en août et septembre, des gouttelettes de résine blanche, tandis que s'épanouissent des grappes de fleurs dorées, à six pétales et à cœur pourpre.

Le grattage de l'écorce fournit trois récoltes par an. La dernière est toujours la plus appréciée.

L'encens « blanc de lait » (telle est la signification exacte du mot « oliban », ou « leban » en arabe, et « lebonah » en hébreu), une fois desséché et réduit en petites boules, brûle dans des cassolettes ou des encensoirs ; ou alors il fume sur une plaque de métal chauffé, en dégageant une forte odeur balsamique, légèrement fleurie, exaltante et portant l'esprit à rêver.

L’encens... comme le cannabis

C'est au XXème siècle que l'on découvre que l'encens de la Boswellia contient, outre des acides résineux, quatre types de terpènes et que la fumée agit sur les cellules du cerveau comme l'huile de cannabis.

Dès le XVème siècle avant notre ère les Anciens préfèrent l'encens blanc pour leurs fumigations : l'arôme étant essentiellement mystique.

L'encens est exclusivement produit dans le Nord de la Somalie, dont il affectionne les hautes régions calcaires.

Il compte parmi les matières les plus anciennement utilisées dans les formules des parfumeurs, depuis l'antiquité égyptienne.

On le retrouve dans les compositions les plus modernes.

Ainsi le célèbre parfum Shalimar de Guerlain lui doit sa chaleur soulignée de vanille, de benjoin et de patchouli, d'opopanax, de bergamote et d'iris.

Indémodable (il a été créé en 1925), il représente à lui seul 30% du chiffre d'affaires de l'illustre maison.

Les hommes ne sont pas oubliés avec Kouros créé pour Saint-Laurent :

l'encens le ponctue d'herbes sauvages et de notes animales (armoise, lavande, girofle, cannelle, coriandre, rose, jasmin, vétiver, patchouli, mousse de chêne, santal, castoréum, ciste, galbanum, ambre).

Les arômes et parfums représentent un poids économique considérable, évalué à 11 milliards de dollars pour 1987.

En dix ans les arômes sont passés de 10% du marché des produits odorants à 25%, l'industrie aromatique alimentaire représentant 2 milliards de dollars.

Rappelons que le chiffre d'affaires en France des parfums et cosmétiques était de 31 milliards de francs en 1987, dont 56% à l’exportation.

L'Oréal, avec un chiffre d'affaires de 4,4 milliards de dollars (dont seulement le tiers réalisé en France), détenait la première place mondiale en 1988.

Grasse, capitale mondiale du parfum

Ce long périple de l'encens à travers le temps et l'espace nous a conduit naturellement à Grasse, dans le Midi de la France où sont lentement élaborées les essences selon des formules jalousement tenues secrètes et qui approvisionnent tous les grands noms de la parfumerie.

Notre route a croisé celle de l'une des rares maisons au monde, elles ne sont guère plus de dix, à pratiquer le négoce de l'encens :

les établissements Wolff dont le siège est à Hambourg.

L'un de ses dirigeants apporte quelques précisions :

« Il existe plusieurs qualités d'encens dont la plus répandue et la moins chère vient d'Erythrée :

elle sert à fabriquer l'encens du culte, brûlé dans les églises, parfois elle est mâchée; elle n'est pas utilisée en parfumerie.

Mais la meilleure, dite « White Drops » ou larmes blanches, vient du Puntland (1) exclusivement.

La production annuelle, difficile à estimer, serait de l'ordre de deux cents tonnes.

Essentiellement utilisée en parfumerie elle permet d'obtenir par distillation une essence utilisée comme base pour la composition de parfums de qualité.

C'est un produit indispensable en parfumerie qui - de plus - ne peut être remplacé par aucun substitut de synthèse.

L'importateur se rend sur place acheter le produit aux ramasseurs ou collecteurs qui sont en permanence rackettés.

Les convois de chameaux se déplacent lentement accompagnés de soldats en armes.

C'est un commerce difficile dans une contrée troublée :

les parfumeurs grassois y ont eux-mêmes renoncé et il ne reste plus dans le monde qu'une dizaine d'importateurs à opérer.

La qualité est incertaine et peu suivie, aussi, à présentation des lots, des échantillons sont prélevés et envoyés par avion pour distillation et analyse.

L'opération peut être recommencée une seconde fois avant de passer à la négociation finale sur le prix d'achat.

L'été passé les prix s'établissaient ainsi à Djibouti, la plaque tournante de ce commerce :

50 dollars du kg pour la qualité N° 1, 38 pour la N° 2, 20 pour la N° 3, 10 pour la N° 4 et 30 pour la N° 5.

L'acheteur qui enlève un lot prend les cinq qualités :

la marchandise étant arrivée en vrac, la tractation se déroule durant le tri et se conclut généralement par une remise de dollars en espèces.

Cependant les chiffres concernant les prix doivent être avancés avec prudence :

à qualité égale les prix peuvent varier dans une proportion de 1 à 4.

Cela tient en partie à l'offre et à la demande :

plusieurs éléments entrent en ligne de compte tels les aléas climatiques, le mode collecte inorganisé qui s'apparente plutôt à la cueillette, les difficultés de l'acheminement, la pression exercée par un acheteur concurrent qui peut donner lieu à une véritable enchère.

Et encore ne parle-t-on que d'une qualité pure (que seuls de très rares spécialistes sont en mesure d'apprécier en faisant de plus appel au verdict de laboratoires).

Il est en effet tentant de tromper l'acheteur en lui présentant un produit dans lequel aura été mêlé de la gomme arabique dont la production globale est de l'ordre de 30 à 40 000 tonnes et pour laquelle le Soudan exerce un théorique monopole de commercialisation par le biais d'une société d'Etat.

Personne même ne peut donc donner de chiffre exact sur la production d'encens :

le mystère reste entier comme aux temps anciens.

Introduction à la route de l’encens

Le commerce de l'or et des épices est à l'origine du développement du capitalisme, enrichissant les marchands qui leur ont fait traverser les mers et les continents.

Aujourd'hui les produits du sol et du sous-sol s'intègrent dans un système d'échanges structuré.

Cependant quelques-uns uns d'entre eux y échappent et sont toujours l'objet d'échanges informels, comme aux temps anciens.

C'est le cas de l'encens dont nous avons voulu suivre le cheminement dans le temps et dans l'espace.

Produit de façon archaïque dans une contrée exclusive et retirée (1), la plus grande partie de sa récolte est traitée à Grasse, la capitale mondiale de la parfumerie qui pèse 2,6 milliards de francs (2) en chiffre d'affaires et représente 7 à 8% de la production mondiale de produits aromatiques.

Distillé dans les alambics d'unités robotisées et informatisées, comme chez Robertet, l'encens repartira, sous forme d'huile essentielle, chez les plus grands parfumeurs qui la feront entrer dans une base à la composition gardée jalousement secrète.

Ainsi naissent les parfums dont on dit qu'ils sont la forme la plus intense du souvenir.

(1) le Puntland

Le Puntland est une région du Nord-Est de la Somalie, dont les chefs se sont déclarés indépendants en 1998. Ce nom dérive du pays de Pount mentionné dans des textes de l'Égypte antique, que certains croient pouvoir localiser dans l'actuelle Somalie.

(2) chiffres 1987


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