Le monde de l’édition sera sans nul doute touché par la pandémie du Covid-19.
Alors – sans vouloir se lancer dans de hasardeuses conjectures - nous tenterons ici de dresser un tableau de l’existant.
Et ce n’est pas chose aisée :
collecte tardive, absence ou manque de données (notamment Chine, Etats-Unis …) .
Avec un léger décalage qui s'explique par la collecte et le traitement des données, l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et l'Union internationale des éditeurs (UIE/IPA) proposent régulièrement des rapports réunissant les chiffres d'affaires et volumes de titres publiés pour un maximum de marchés de l'édition. Celui portant sur l'année 2018 vient d'être publié par les deux organisations.
Nous tenterons néanmoins ici de nous faire une idée.
Edition : que pèse la Francophonie ?
En début de l’année 2020 et quelques mois après un premier rapport portant sur l'édition en 2018, l'Union internationale des éditeurs (UIE) propose les données de dix neuf des principaux pays de la planète.
Au total, les ventes d'ouvrages et de licences d'exploitation auront généré un chiffre d’affaires de 50,3 milliards de dollars , sur la totalité des territoires concernés.
Edition littéraire :
le faible poids du monde francophone
La France pèse 10% du marché du livre mondial, moins que la Corée du sud !
Les Etats-Unis représentent près de la moitié de ce total des 50,3 milliards de dollars , avec 23,3 milliards , suivis par l'Allemagne (6,1 milliards), le Royaume-Uni (5,4 milliards) , la Corée du Sud (5 milliards) et la France (3 milliards) .
Au vu de ces chiffres il nous est permis de nous interroger sur l’avenir de la Francophonie.
Si l’espace francophone migre désormais vers les pays du sud (Kinshasa – avec ses 18 millions d’habitants – est désormais la première ville francophone du monde) force est de constater que la France serait bien inspirée de promouvoir les auteurs du sud !
A ce niveau soulignons la remarquable la production d’un petit pays comme l'Ile Maurice (Jean-Marie G. Le Clézio, Ananda Devi…) ou des Caraïbes (Dany Laferrière…).
Saluons également la très belle et élitiste collection Continents Noirs voulue par Antoine Gallimard et Jean-Noël Schifano qui révèle de nombreux talents et fête cette année ses 20 ans …
Le poids de l’enseignement
Le secteur grand public compte pour au moins la moitié des revenus dans 14 territoires, quand le secteur scolaire et pédagogique compte pour 68,7 % des revenus en Afrique du Sud ou 65,2 % en Corée du Sud.
Pour le secteur grand public, les éditeurs américains font état de 16,2 milliards $ de revenus, devant le Japon (8,4 milliards $), le Royaume-Uni (3,2 milliards $) et la France (2,1 milliards $).
Le format imprimé représente encore les 3/4 des revenus dans la plupart des marchés, avec une percée du livre numérique au Japon (24,5 %) et en Suède (23,2 %), notamment.
La majorité des ventes, dans les pays pris en compte, s'effectuent sur leur territoire, jusqu'à 99 % d'entre elles au Japon, quand l'édition belge, à l'inverse, n'effectue que 60,6 % de ses ventes au sein de son marché intérieur.
France : un achat sur quatre se fait en ligne
Le rapport note une résistance des librairies dans la plupart des marchés étudiés, avec une part des ventes réalisées par le e-commerce qui dépasse la moitié des revenus au Royaume-Uni, et compte pour 41,6 % aux États-Unis, 25,5 % au Brésil ou 24 % en France et en Italie…
Le classement des pays selon le nombre de titres publiés est faussé par l'absence de données pour les États-Unis ou la Chine, plaçant le Royaume-Uni en tête avec 188 000 références en 2018.
La France quant à elle vient avec 68 200 (dont 47 500 nouveautés) en 2017.
Ventes : la France au niveau de la Turquie
Du côté des ventes, les éditeurs américains avancent un chiffre de 2,5 milliards d'exemplaires vendus en 2018, devant le Royaume-Uni, avec 652 millions d'exemplaires, la France (419,2) et la Turquie (400,3) .
En France le livre, premier bien culturel
Même si le temps que les Français consacrent à la lecture diminue, le livre garde une place importante et la très grande majorité d’entre eux préfère toujours le papier !
Avec 53% en chiffre d’affaires, le livre reste le bien culturel numéro un.
Il précède le jeu vidéo (24%), la vidéo (13%) et la musique (10%).
A ce niveau il convient de s’interroger sur la part croissante du jeu vidéo dont le chiffre pèse dès à présent plus que celle de l’industrie cinématographique…
C’est 359 millions de livres qui ont été vendus en 1976, dont 24,5% en poche .
Sur ce nombre moins d’un quart a été commercialisé en librairie .
Cela représente quelque mille éditeurs sur les quelque 10 000 que compte la France.
La part du livre physique est toujours largement majoritaire :
loin d’exploser, la part du numérique reste toujours faible – 2% des ventes - et ne progresse que modérément (en hausse de 9 % pour 2018) .
Les cessions de droit pour traduction :
la Chine en tête
Cela ne nous étonnera guère mais a le mérite d’être souligné.
Ainsi pour la France et depuis ces dernières années le chinois se place en tête des langues vers lesquelles le nombre de contrats de cessions est le plus important, qu’il s’agisse de la jeunesse, des sciences humaines et sociales, du scolaire, des beaux livres, des livres d’art et des STM (sciences et techniques, médecine) .
Contrats de cession de droits :
- 2 300 Chine
- 1 350 Espagne
- 1 200 Italie
- 800 Angleterre
- 770 Corée du Sud
- 760 Allemagne
Le marché de langue espagnole - notamment l’Espagne – semble être particulièrement réactif aux titres français particulièrement dans le secteur de la bande dessinée, où l’Italie était le principal acheteur depuis deux ans.
Le marché espagnol est également important dans les secteurs de la fiction et des essais et documents où l’Allemagne était traditionnellement le principal acheteur de titres français.
L’éditeur, un « passeur de textes »
Combien y a-t-il d’éditeurs en France ?
Pour aller à l’essentiel on peut dire qu’il y a environ 10 000 éditeurs en France…
Cette densité est voisine de celle de nombreux pays d’Europe.
Mais sur les 10 000, seuls 4 455 ont publié -, selon Livres Hebdo - au moins un titre en 2017.
Le premier éditeur étant L’Harmattan (2 567 titres) — qui publie beaucoup de thèses et de travaux d’étudiants —, le deuxième Hachette (2 213 titres) et le troisième Gallimard (1 330 titres) .
Bien sûr - et nous venons de le voir - il y a les « grandes maisons » – 20 éditeurs ont plus de 5 000 titres chacun à leur catalogue – et il y a les « petites structures éditoriales » – environ 5 000 éditeurs ont moins de 10 titres chacun.
Beaucoup de choses les différencient :
organisation, économie, logistique.
Mais un élément majeur les rassemble :
ils donnent vie à des textes et cherchent à les faire parvenir à des lecteurs.
Industriel ou artisan, l’éditeur est un « passeur de textes ».
A remarquer : la profession d’éditeur est libre !
15% des la production littéraire est condamnée au pilon
Mais que deviennent les invendus ?
Les ouvrages invendus et retournés au distributeur peuvent être :
— pilonnés (15%);
— réintégrés dans le stock du distributeur (9%);
— rendus à l’éditeur (2%)
La rentrée littéraire de septembre 2020
La rentrée littéraire est une expression qui en France et en Belgique francophone désigne une période commerciale concentrant un grand nombre de parutions de nouveaux livres (tous genres confondus) et qui a lieu chaque année entre fin août et début novembre.
Pour la rentrée de septembre nous devrions pouvoir tabler sur 600 ouvrages.
Quant à celle de janvier, elle devrait en produire 500.
Bonnes lectures à tous !
Le très attendu "Rumeurs d'Amérique" d'Alain Mabanckou de la rentrée littéraire 2020 |
Post Scriptum : les raisons d'espérer !
La rentrée littéraire de janvier 2022 à Paris s'annonce bonne avec 545 parutions.
Les libraires indépendants français résistent - ils sont au nombre de 3 000 - et les ventes ont progressé de 18% en 2021 par rapport à 2000 .
Enfin, saluons le brillant Prix Goncourt 2021 : le jeune Sénégalais de 31 ans Mohamed Mbougar Sarr !
(Olivier THIBAUD)
Article très intéressant.
RépondreSupprimerMerci Cher Idi !
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