Si loin, si proche : Saint-Pierre-et-Miquelon



Le pavillon de Saint-Pierre-et-Miquelon : référence à la mer, au Pays Basque, à la Bretagne, à la Normandie



Le Marité, dernier des terre-neuviers goélette entre sous voiles dans le port de Granville


Départ de Granville pour la pêche à la morue sur les Grands Bancs de Terre Neuve


La grande aventure de la morue durera 500 ans


L'équipage du Marcella en 1938 à St Pierre & Miquelon


La morue séchée sur les graves par les gamins - souvent des orphelins enrôlés - appelés "graviers"

Saint-Pierre-et-Miquelon est un archipel français d'Amérique du Nord situé dans l'océan Atlantique Nord, au sud de l’île canadienne de Terre-Neuve.
Saint-Pierre se trouve à 19 km au sud-ouest de l'extrémité occidentale de la péninsule de Burin, dans la partie méridionale de Terre-Neuve, l'île Miquelon étant à 21 km à l'ouest-sud-ouest de cette même pointe.
Ancien département d'outre-mer, puis collectivité territoriale à statut particulier, c'est aujourd'hui une collectivité d'outre-mer.

L'archipel est composé de deux îles principales : Saint-Pierre, la plus petite qui abrite cependant 86 % de la population, ainsi que Miquelon constituée de trois presqu'îles. D'autres petites îles et îlots non habités font partie de l'archipel (la souveraineté sur l'Île Verte étant indéterminée).

Avec la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Clipperton, c'est l'un des sept territoires français en Amérique et le seul en Amérique du nord, dernier vestige de l’ancienne Nouvelle-France, perdue lors de la guerre de Sept Ans.

Longtemps, avant l'arrivée des Européens, les îles de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon avaient été habitées par des populations amérindiennes, les Béothuks. Nous savons qu'ils habitaient l'île de Terre-Neuve en 200 avant notre ère et qu'ils en furent progressivement chassés par les Européens à partir du XVème siècle.

Avant toute exploration officielle, des pêcheurs bretons et normands s’établirent vers 1504 sur une base saisonnière à Saint-Pierre et vinrent pêcher dans les eaux de Terre-Neuve où la morue était abondante; des Basques sont venus chasser la baleine sur les bancs de Terre-Neuve à la même époque.

Jacques Cartier baptise l’archipel

En premier lieu c’est le navigateur portugais João Alvares Fagundes  qui, après avoir abordé les côtes de la Nouvelle-Écosse, le golfe Saint-Laurent et la côte sud de Terre-Neuve, découvrit officiellement, le 21 octobre 1520, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon qu’il appela alors l’île des Onze Mille Vierges, en souvenir d’une légende attribuée à sainte Ursule et à ses compagnes.

Les Portugais conservèrent très peu longtemps ces îles qui, d’ailleurs, ne gardèrent pas leur nom originel «archipel des Onze Mille Vierges» car en 1530 l'appellation des îles de Saint-Pierre fit son apparition sur les cartes marines.

Mais c'est Jacques Cartier au XVIème siècle qui baptise l'archipel du nom de Saint-Pierre.
Sans doute en référence à l’apôtre Pierre qui est le saint patron des pêcheurs
D’autre part le nom de Miquelon est attesté sous la forme Micquelle au XVIème siècle dans le manuel de navigation d'un capitaine basque, Martin de Hoyarsabal, en partance pour Terre-Neuve.
Miquelon pourrait s'expliquer par l'anthroponyme Michel, la forme basque correspondant à ce nom de personne étant précisément Mikel.

Le français parlé ressemble à celui de Normandie et de Bretagne.
Et pour cause : les habitants descendent très majoritairement de colons normands, bretons et basques.
Si la descendance acadienne est modeste, on doit par contre souligner une filiation anglaise et irlandaise significative de la population, conséquence de nombreuses unions de ces colons avec de jeunes femmes venues de la côte voisine de Terre-Neuve pour tenir des emplois domestiques, notamment au XIXème siècle et jusqu'au milieu du XXème.

La grande aventure des terre-neuvas

Ce sont les terre-neuvas qui sont à l’origine de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ces terre-neuvas sont les pêcheurs qui, du XVIème siècle au XXème siècle, partaient chaque année des côtes européennes pour pêcher la morue sur les grands Bancs de Terre-Neuve, au large du Canada.
Ils étaient majoritairement français mais également basques espagnols, portugais et anglais.
Cette pêche a pris fin à cause de la raréfaction du poisson à la fin du XXème siècle due à la surpêche.

Durant plusieurs siècles elle représenta une activité économique importante pour les populations du littoral français. Saint-Malo , Granville et Fécamp qui devinrent les plus importants ports de terre-neuvas.

C’est elle qui entraîna la colonisation et le développement de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, situé à proximité immédiate des bancs, dont le port de Saint-Pierre servait de port de relâche et d'approvisionnement aux navires de pêche.

L’eldorado de la pêche à la morue

Durant la seconde moitié du XIXème siècle, l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon connaît donc un essor économique important grâce à la pêche à la morue.
Ainsi la population progresse-t-elle de 1100 en 1830 à 2100 en 1850 pour atteindre 6500 aux alentours de 1900.
Depuis lors elle se stabilise à près de 6300 (au 1er janvier 2017, l'INSEE dénombrait 641 habitants à Miquelon-Langlade et 5 633 habitants à Saint-Pierre pour 6274 habitants pour la collectivité territoriale entière).

La grande aventure de la morue dura 500 ans, depuis la découverte du Nouveau Monde jusqu’en 1994 date de fermeture par le Canada de ses eaux territoriales.

Au tout début, le poisson était si abondant que l’on parlait parfois de pêche miraculeuse. Au fil des siècles, ce que l’on dénommait « la grande pêche » s’est développée, devenant un enjeu économique majeur pour toute l’Europe ; on parlait alors à son sujet de « l’or blanc » . Par la suite, arriva le temps du chalut et puis au final le temps de la surpêche … Pendant cette longue période, la morue se retrouvait partout, elle était omniprésente, dans tous les ports, dans toutes les gares, toutes les boutiques, tous les menus des hôtels et restaurants, tous les garde-mangers, dans toutes les assiettes …

A Saint-Malo, qui se disait la capitale des terre-neuvas, la morue prenait une place spécialement importante ; plus de la moitié de la ville vivait de cette activité ; à certaines années, quelque de cent cinquante navires quittaient le port malouin pour traverser l’Atlantique en direction de Terre-Neuve ou du Groenland.

Durant 500 ans l’Europe se nourrit de morue

La morue était une nourriture nationale, un produit alimentaire de base présent dans tous les foyers ; elle était simple, d’un transport facile,  facile à conserver, nutritive, hygiénique et représentait un complément indispensable aux autres aliments locaux composés surtout de pain, de légumes et de féculents; elle passait pour être un met « rustique » mais de nombreuses recettes la rendirent plus « sophistiquée » ; de plus, elle correspondait aux exigences des règles de jeûne imposées par la religion catholique.

La période faste des bootleggers

L'archipel a un certain rôle lors de la prohibition aux États-Unis puisque du fait de son statut de colonie française, la loi américaine (le « Volstead Act ») n’y est pas applicable. L'île connaît, de 1919 à 1933, une réelle prospérité grâce au trafic d’alcools, de vins français et de whisky, acheminés clandestinement sur les côtes canadiennes et américaines par des goélettes ou des vedettes rapides (rhum runners) construites au Canada et montées par des Saint-Pierrais.
Ce fut l'époque faste des bootleggers !

Jusqu'en 1933, date où la prohibition est levée, jusqu'à 300 000 caisses d'alcool passent par an dans l'archipel. Le bois des caisses d'alcool abandonnées sert de combustible et à la construction de nombreuses maisons, parmi lesquelles la villa Cutty Sark, entièrement réalisée à partir de caisses de whisky éponymes. Dans les années 1970, on pouvait encore voir à Saint-Pierre, un hangar bardé des planches de caisses d'alcools, de champagnes français.

Les marins de Terre-Neuve recevaient les boissons alcoolisées en caisses. Ils les transféraient dans des sacs de jute et récupéraient le bois. En cas d'interception d'un bateau contrebandier par les garde-côtes américains, il suffisait de jeter les sacs à la mer par le bord du navire opposé à celui vers lequel avançaient les forces de police. Les sacs coulaient instantanément. Lorsque l'équipage de contrôle embarquait, il n'y avait plus trace de la fraude partie vers les grands fonds. La cargaison était perdue, mais cela évitait aux contrevenants d'aller croupir en prison. Le risque d'être ainsi arraisonné faisait partie des frais de l'expédition et justifiait le prix ahurissant que payaient les destinataires. Ceci expliquait aussi la prolifération de boissons contrefaites peut-être moins chères que celles provenant vraiment d'Europe.

Le doris

Ce petit bateau de pêche à fond plat et manoeuvré  à la rame a été créé en Amérique.
Il est utilisé à l'origine pour faciliter le départ de plage puis pour la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve jusqu'au début du XXème siècle.

La pêche à Terre-Neuve utilisa durant des siècles le système des chaloupes, jusqu'à la guerre de 1870.

À cette époque les Américains avaient remplacé celles-ci par des Waris, de forts doris à fond plat, de 7 à 8 mètres, plus aptes à s'échouer sur le sable ou les galets.

En 1872, les goélettes saint-pierraises se mirent à employer des doris, de 5 à 6 m, achetés aux Américains.
En 1886, les Saint-Pierrais leur achetaient encore 1 000 à 2 000 chaque année.

C'est vers 1877, que les navires de Fécamp, Granville et Saint-Malo, commencent à utiliser des doris américains pour la pêche sur le grand banc, avec salaison à bord. L'emploi du doris se généralisa et le doris est adopté par tous les armateurs français, vers les années 1880-1885.

D'où le terme également utilisé "doris des bancs".

Leur conception permettait de les empiler pour les stocker sur le pont de la goélette menant la campagne.

Le doris de Saint-Pierre-et-Miquelon est de type waris, donc de plus grande taille, et sa tradition est perpétuée par l’association des Zigotos.

Pascal Dubosq est à Granville l’un des derniers à construire des doris à l’ancienne ; il a par ailleurs participé à la reconstruction du Marité, dernier terre-neuvier navigant à ce jour.
N'hésitez pas à visiter son chantier à l'occasion du Festival des Voiles de Travail à Granville.


sources : 
- rencontre du 18 avril 2019, musée du Quai Branly – Jacques Chirac « Saint-Pierre-et-Miquelon : un archipel et ses patrimoines », avec Henry Masson, conservateur régional des Monuments historiques, Jean Lebrun, historien – journaliste, Eugène Nicole, écrivain, Vincent Guigueno, conservateur du patrimoine et la présence d’Annick Girardin, ministre des Outre-Mer (elle-même originaire de l’archipel) ;
- Wikipédia ;
- Yves Duboys Fresney, historien.

Se renseigner sur Saint-Pierre-et-Miquelon :


http://www.spm-ct975.fr/


A lire :

« L'ŒUVRE DES MERS »
d'Eugène Nicole ; éditions L'Olivier ; 946 p. ; 26 €.
Eugène quitte Saint-Pierre-et-Miquelon pour la métropole.
Nostalgique, il ne peut oublier son archipel bien-aimé ni l'époque où il allait voir des films français au petit théâtre appelé L'Oeuvre-des-mers.
Il fredonne les mélodies jouées à la corne de brume, se souvient des femmes de son enfance, souvent belles et attachantes, des veillées, de la crête des falaises, du ressac et des embruns.
Ce grand chant passionnel pour l’archipel est tour à tour drôle et poignant, généreux et précieux…
















A voir, à faire :



Si vous ne projetez pas d’aller aussi loin qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon, vous pouvez toujours vous rendre au Festival des Voiles de Travail !

Quand : 21 au 25 août 2019, ou dernière semaine d’août de chaque année

Où : Granville

Le Festival des Voiles de Travail est l’événement très attendu chaque fin de mois d’août depuis maintenant plusieurs années.

Il met en lumière le patrimoine maritime de la cité corsaire et sa longue histoire qui la lie aux Grands Bancs de Terre-Neuve, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon : la grande aventure des terre-neuvas et de la pêche à la morue.

Pendant ces cinq jours de fête, plus de 50 000 visiteurs sont attendus, pour découvrir des bateaux d'exception et participer à de nombreuses animations.

Le festival illustre de façon vivante une aventure qui se poursuit depuis des siècles sur ce territoire de Normandie, où la pêche, les bateaux à voiles, les professionnels de la mer, sont des marqueurs identitaires forts, auxquels cette manifestation - ce musée à ciel ouvert - rend hommage par de nombreuses animations « comme si vous y étiez ».

Le site du Festival des Voiles de Travail  (cliquer sur le lien) :


(Photos : D.R., Olivier THIBAUD)



Doris de pêche


Objets de terre-neuvas : compas de doris, lanternes et couteaux divers





L'église de Miquelon


La nef de l'église





Le cimetière


La pierre tombale d'une Grandvillaise



Le phare de l'Ile aux Marins, inscrit au patrimoine







Procession de la Fête Dieu à Saint Pierre et Miquelon


Le séchage de la morue


Le transport du sel nécessaire au salage de la morue



 Yacinthe Chapron préside l'association Mémoire et Patrimoine des Terre-Neuvas de Saint-Malo .
Il quitte la ferme familiale à l'âge de quinze ans et embarque pour sa première campagne de pêche sur les Grands Bancs de Terre Neuve qui dure alors de mai à octobre .


Mémoire et Patrimoine des Terre-Neuvas de Saint-Malo : le travail de la morue





Le travail de la morue se fait sur le pont
















Annick Girardin et Jean Lebrun

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