CONTINENTS NOIRS : demain j’aurai 20 ans !


L'heure bleue, rue Gaston Gallimard


Au 17 rue de l'Université à Paris

Chaque année, à la veille du Salon Livre Paris, l’éditeur Gallimard tient en sa maison rue de l’Université à Paris ce que l’on pourrait nommer une réunion de famille : celle de la collection Continents Noirs.
Le 12 mars dernier ne dérogeait donc pas à la règle avec la présentation des auteurs de la nouvelle promotion.
Dans le même temps les participants étaient heureux de saluer la présence des « grands frères » - comme en est l’usage respectueux et affectueux de dire en Afrique – de Henri Lopes, écrivain-diplomate et de Jacques Chevrier, universitaire, amis de la première heure .

Retour sur image…

La collection Continents Noirs est née en 2000 de la volonté de l’éditeur Antoine Gallimard – petit fils de Gaston Gallimard, fondateur de la prestigieuse maison éponyme - et de l’écrivain traducteur Jean-Noël Schifano.
Et cela fait donc que près de 20 ans – lors d’un voyage au Gabon et plus spécialement au Centre culturel Saint-Exupéry de Libreville – que ces deux derniers s’accordèrent sur l’idée de créer cette collection.
L’année 2020 marquera une heureuse coïncidence car le millésime de ces 20 ans correspondra à l’Année de l’Afrique voulue et décidée par l’Elysée.

Continents Noirs - au pluriel - ce sont des auteurs de tous les continents. Et, dès sa création décomplexée, cassant toute frontière, la nouvelle collection de la rue Gaston Gallimard a été la plus décriée de l’histoire de la maison Gallimard, certains auteurs et journalistes lui reprochant d’être communautariste. Toutefois cette polémique cessera au fil des années avec la publication de livres qui démontrent que le seul point commun de tous ses auteurs est l’exigence littéraire.

19 ans pour une collection culte…

Laissons la parole au directeur de la collection, Jean-Noël Schifano :

« Voulue par Antoine Gallimard et moi-même cette collection nous est née entre Paris et Libreville en janvier 1999, et les cinq premiers titres sont sortis fin janvier 2000).
« Continents Noirs » est devenue, au fil des années, une collection de découvertes et d’affirmations où, comme nous le souhaitions dès le départ, s’invente et se développe la pluralité des écritures dans la littérature de la diaspora africaine. Une littérature africaine, afro-européenne, diasporique qui, aujourd’hui, fait le tour du monde…
Les deux « s », qui n’auront échappé à personne, signifient d’abord que chaque écrivain est un continent et que son écriture de liberté issue du continent africain parcourt le monde sur les traces profondes et continues des migrations. Des écritures poreuses, en expansion, métamorphoses, contrastes infinis, réalistes baroques, où les auteurs, avec une exigence singulière, s’approprient la langue française, l’aiment, la pétrissent, la métissent, l’exaltent et poussent sans limites son expression. »

Continents Noirs c’est aujourd’hui quelque 120 livres parus en 19 ans à raison de 6 par ans, soit une cinquantaine d’auteurs.

Collection exigeante et élitiste puisque sur 300 manuscrits reçus chaque année c’est donc à peine plus de 2% qui seront publiés !

Aminata Aïdara (1) pour « Je suis quelqu’un »



«Je suis quelqu'un qui a vu un enfant un jour, un nourrisson qui a disparu. Je suis quelqu'un qui connaît un secret. Probablement que je le sais depuis longtemps, parce que ça ne me détruit pas d'apprendre son existence. Je suis choquée, par contre, que mon père en dise le nom à haute voix : "le fils de l'Autre!" 
Personne ne l'a jamais fait, nommer l'innommable.» 
Un secret hante les membres d'une famille éclatée entre la France et le Sénégal. Mais un jour de juin, le silence se rompt. Commence ainsi une quête de vérité où différentes voix se déploient. Celle de Penda, la mère, qui se livre dans un journal intime, et celle d'Estelle, sa fille, au travers de délires cathartiques. Face à elles, l'insaisissable Éric entretient le trouble avec ses promesses. À tour de rôle, les personnages démêlent les ficelles du temps et démasquent les injustices historiques qui façonnent nos vies intimes. Dans ce roman polyphonique on traverse alors les beaux quartiers dakarois, où des drames se consomment sans dépasser les haies des villas. On parcourt aussi les cités et les squats parisiens. Pour découvrir que ce qui semble à tous la ruine d'une famille est, en réalité, sa rédemption.

(1) Italo-sénégalaise, Aminata Aïdara  est née en 1984.
Primée pour le recueil de nouvelles « La ragazza dal cuore di carta » en 2014, elle publie des nouvelles en italien et en français depuis 2009.
« Je suis quelqu'un » est son premier roman.

Eugène Ebodé (2) pour « Le balcon de Dieu »



Un jeune couple de Sud-Africains blancs, Donovan et Mélania Bertens, en voyage de noces à l'île Maurice, est contraint par un violent cyclone de séjourner à Mayotte. Donovan et son épouse sont stupéfaits, puis choqués d'y découvrir la misère sociale, la prolifération des bidonvilles, les hordes d'enfants abandonnés dans les rues et l'état de délabrement qui règne dans ce territoire français doté d'une nature exceptionnelle et d'un somptueux lagon. Admirateur de Nelson Mandela, le jeune Donovan voit dans cette île négligée une Afrique en souffrance et une cause à défendre. De retour à Cape Town, il convainc son épouse de partir vivre à Mayotte. Ils y retrouvent un guide providentiel, un Mahorais érudit qui leur raconte la légende de son île surgie d'un joyau considéré comme le plus divin des promontoires. Très vite, les nouveaux venus se retrouvent reclus à domicile : l'insécurité, les mouvements sociaux, l'indifférence de Paris et la pression migratoire sur ce territoire hautement inflammable font planer la menace d'affrontements entre communautés. Donovan s'engage et s'implique. Trop?...

(2) Né en 1961 à Douala (Cameroun) Eugène Ebodé fait ses études secondaires au collège jésuite Libermann de Douala. IL poursuit par le lycée classique de Bafoussam, au lycée bilingue de Yaoundé et en classe de terminale D au lycée Félix Eboué à Ndjamena, au Tchad.
Avant les épreuves du baccalauréat, les troubles politiques récurrents reprennent dans l'ancienne Fort-Lamy, aujourd'hui Ndjamena. La guerre civile pousse donc le jeune Ébodé à retraverser le fleuve Chari sous une pluie de balles pour retrouver le pays des crevettes, ainsi qu’il aime à nommer son Cameroun natal.
Marqué par son errance intra-africaine, il a le sentiment d'assister aux convulsions d'un monde qui n'arrête pas d'agoniser. Il envisage alors l'exil en Occident. La passion pour le football va reporter de deux ans ce projet d'autant qu'il est rapidement sélectionné chez les Lionceaux indomptables, l'équipe nationale junior de football. Il y connaîtra quelques mésaventures, refusera d'embarquer dans un avion militaire avec l'équipe de la Dynamo Douala à la suite de son éviction de la liste des joueurs décidée par le sorcier du club, mise à l'écart qui n'empêchera ni la défaite ni l'élimination de son équipe en quarts de finale de la Coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe face à l'Africasport d'Abidjan en 1982.
Il s’installe en France où il reprend ses études qui seront couronnées par un doctorat en littérature française…

Idi Nouhou (3) pour « Le roi des cons »
préface de Marie Darrieussecq



«Voici un roman qui nous vient du Niger. Oubliez ce que vous savez du Niger. Oui c'est un pays pauvre, peut-être le plus pauvre. Non, y être une femme n'est pas facile. Oui, la faim n'y est jamais loin, et oui il y a des dunes magnifiques, où furent détenus des otages français, près d'Arlit. Idi Nouhou ne va pas radicalement bousculer ce que vous savez. Mais il va tout déplacer, comme les dunes sous le vent. 
Le roi des cons est le récit d'un homme partagé entre deux genres de femmes : leur complémentarité semble classique, mais s'avère un peu plus complexe que le schéma occidental de la maman et de la putain. Ne serait-ce que parce que la "putain", selon nos critères, y est voilée comme la maman, et que la maman y est d'une audace redoutable... C'est un Niamey sensuel, érotique et drôle que nous révèle Idi Nouhou ; mélancolique aussi. Et c'est dans la bouche d'une femme que revient la proustienne phrase: "Il n'est pas mon genre."» 
Marie Darrieussecq.

(3) Idi Nouhou est né au Niger en 1964.
Après des études de Lettres, il se consacre à l’écriture et au théâtre. Il publie des contes depuis 1994, plusieurs de ses pièces sont créées par la troupe de théâtre Les Tréteaux du Niger.
Cinéaste, il réalise « Chronique pour le petit peuple », la chronique distancée et amusée de la vie politique du Niger à travers le portrait d’un jeune caricaturiste, Abdoul Karim Nabassoua, vendant sur les marchés et dans les rues de Niamey, sa production quotidienne sous forme de photocopies…
Son premier roman,« Le roi des cons », est né de sa rencontre et des encouragements à Niamey de Marie Darrieussecq.

54 minutes de bonheur avec la « Chronique dessinée du petit peuple »
Documentaire du nigérien Idi Nouhou (2012)


Emmanuel Genvrin (4) pour « Sabena »




«Ainsi, Radio Cocotier disait vrai : Faïza, la première épouse de cet alcoolique d'Aboucar, avait été la maîtresse de Bob Denard, et Bibi, la mère de Chati, le fruit diabolique de cette union!» 
Bibi, célèbre «reine de l'arnaque» à La Réunion, a de qui tenir. Calculatrice, belle comme une sultane de mille et trois nuits, elle est aussi une jeune femme fragile, mystérieuse, la proie de démons intérieurs. Ballottée entre Afrique et Occident, entre islam et christianisme, Bibi est la fille cachée du fameux mercenaire et d'une «Sabena», lycéenne rescapée des massacres anticomoriens de 1976 à Majunga (Madagascar). Abandonnée par sa propre mère, Bibi a laissé derrière elle, à Mayotte, une enfant, Chati, belle et délurée, qui rêve de lui ressembler... Et c'est dans un terrible et voluptueux suspense que nous suivons le destin croisé de ces trois femmes frôlant la folie. 
Après Rock Sakay (2016), Emmanuel Genvrin confirme, dans ce deuxième roman fondé sur des faits et des personnages réels, ses dons de romancier. Il nous plonge ici dans le grand désordre postcolonial des Comores, de Mayotte, de La Réunion et de Madagascar, avec son sens habituel de l'humour et son acuité dans l'observation des travers humains et des bouillonnements furieux de l'Histoire.

(4) Emmanuel Genvrin est un dramaturge français né à Chartres en septembre 1952. Cofondateur du Théâtre Vollard en 1979 à La Réunion, il est l'auteur de la majorité des pièces jouées par cette troupe, parmi lesquelles Marie Dessembre en 1981, Lepervenche, chemin de fer en 1990 ou Votez Ubu Colonial en 1994. Il participe à la revue Kanyar, pour laquelle il écrit des nouvelles, à compter du premier numéro paru en 2013, ce qui le conduit à écrire un premier roman publié dans la collection Continents Noirs - « Rock Sakay » - suivi cette année de « Sabena »


Antoine Gallimard et Jean-Noël Schifffano : demain j'aurai vingt ans !



















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